La pluie n'est jamais très loin, le thermomètre frôle le point de congélation, et la vieille ville est à une trentaine de minutes de marche de la conférence sur le climat.

On le comprendra, les délégués présents à Poznan ont plus le coeur à l'ouvrage qu'ils ne l'avaient à Bali l'an dernier, ou à Nairobi l'année précédente. La Bintang et la Tusker, ces bières si populaires dans les couloirs des dernières conférences, ont d'ailleurs été remplacées, ici, par du simple café.

 

Une telle atmosphère sied très bien à la conférence de Poznan, cela dit, car il s'agit de la dernière ligne droite vers l'élaboration d'un successeur au protocole de Kyoto l'an prochain. En même temps, on peut se demander si les délégués n'auraient pas besoin de l'effet désinhibiteur de l'alcool pour se dire «les vraies affaires».

Car s'il y a un tabou au sein de la communauté internationale, c'est celui de l'échec du protocole de Kyoto.

«Jusqu'ici, Kyoto n'a fait absolument aucune différence dans la lutte contre les changements climatiques», concluait récemment l'économiste Dieter Helm, dans un article du Oxford Review of Economic Policy qui n'a fait aucune vague.

Les gaz à effet de serre ne cessent en effet d'augmenter depuis la ratification de ce traité. Et le comble, c'est qu'on s'apprête à le reconduire, sans reconnaître publiquement qu'il a échoué, et donc sans se poser les questions qui s'imposent, de crainte que des âmes malveillantes en profitent pour tout faire dérailler...

«L'ineptie, c'est de refaire la même chose et d'espérer un résultat différent», disait Benjamin Franklin.

Vrai, de nombreuses propositions ont été déposées ces derniers mois en vue d'améliorer le traité, comme l'a fait remarquer à La Presse le chef de la délégation canadienne, Michael Martin.

Mais il n'y a qu'à consulter le document de 83 pages pour constater qu'il s'agit là d'une énumération d'intérêts nationaux qui feront bien peu pour donner du mordant au futur protocole.

Le Canada, par exemple, propose que l'on tienne compte de ses «circonstances nationales» (lire : qu'on lui en demande moins en raison de son statut d'exploitant pétrolier) et que l'on mette de l'avant des cibles d'intensité (lire : qu'on lui permette de se défiler d'une réduction absolue des émissions).

Cela signifie-t-il qu'il faut tout mettre à la poubelle et recommencer à zéro? Non, il est trop tard : l'ONU est un éléphant que l'on ne peut faire «tourner sur un dix cennes». Il faut donc laisser les négociations suivre leurs cours et espérer qu'elles débouchent sur un second Kyoto.

À ce traité, par contre, il serait possible d'ajouter un tout nouvel accord, qui pourrait, cette fois, être le fruit de négociations parallèles entre les 15 plus importants émetteurs de la planète. Ce nouveau forum permettrait des discussions plus informelles, voire des ententes impossibles dans le cadre figé de l'ONU.

En échange de l'appui de la Chine, de l'Inde et du Brésil à ce processus, les pays industrialisés pourraient s'engager à en faire plus. L'accord pourrait ainsi prévoir, pour tous, des cibles à la carte : quotas d'énergie renouvelable, objectif de réduction de la déforestation, constitution de fonds pour la recherche, etc.

Le leadership de l'Europe et des États-Unis permet de croire à une telle aventure. Loin de la cacophonie de l'ONU, les grands pollueurs auraient peut-être plus de chances de se dire les «vraies affaires».

La Pologne pollue

L'ironie fait bien jaser, ici à Poznan. La Pologne, hôte de la Conférence de l'ONU sur le climat, est non seulement la toute première productrice de charbon de l'Europe, elle est aussi responsable de la paralysie de l'Union européenne.

Cette dernière, qui est habituellement la grande championne des négociations, s'est en effet présentée ici sans position officielle, en raison du refus de la

Pologne d'appuyer un élément du plan concernant la Bourse climatique. Des négos sont en cours. Si elles aboutissent, cela donnera un élan à la conférence.

Si elles échouent, par contre

Le Canada se fossilise

Et de sept! La Conférence sur le climat ne fait que commencer et déjà, le Canada a reçu une demi-douzaine de «fossiles du jour», cette contre-récompense accordée quotidiennement par quelque 300 groupes écolos réunis au sein du Réseau Action Climat International. Véritable tête de Turc des verts, le gouvernement Harper est voué aux gémonies cette année encore, en raison de ses interventions dans les négociations que l'on juge «contre-productives». «C'est une honte», a résumé Steven Guilbeault.

Les humanitaires paniquent

Le réchauffement de la planète bouleverse le climat... et le travail des agences humanitaires. En marge de la conférence de Poznan, ces dernières ont lancé un cri d'alarme afin que la communauté internationale agisse plus fort et plus vite. Des organismes aussi crédibles que le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés ont expliqué que les catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, etc.) se multiplient déjà à un rythme affolant. «Notre problème aujourd'hui, a prévenu le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, est que notre capacité (d'intervention) est déjà dépassée.»

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