La revue Nature lançait tout un pavé dans la mare en 2007, en publiant une étude économique intitulée «Abandonnons Kyoto». Le protocole est un fiasco, pouvait-on lire, et toute action internationale allant dans ce sens sera vouée à l'échec.

Un an plus tard, au tour de la Oxford Review of Economic Policy d'enjoindre les dirigeants politiques à changer de cap, précisant que «jusqu'ici, Kyoto n'a fait absolument aucune différence dans la lutte contre les changements climatiques». Et pourtant, la communauté internationale se réunit dès lundi à Copenhague dans le but d'élaborer, justement, un successeur à Kyoto... sur le modèle de Kyoto.

Sommes-nous en train de nous faire passer un sapin?

Regardons les plus récents chiffres soumis à l'ONU par les signataires du protocole. Un bilan global depuis 1990, année de référence de l'accord, montre que les gaz à effet de serre ont diminué d'environ 4% depuis 2007.

Pas mal... à première vue. Car deux données faussent le bilan. D'abord, on inclut dans ce calcul les États du bloc de l'Est, qui ont vu leur économie s'effondrer au même rythme que leurs émissions (-37%). Cela tire à la baisse la moyenne de la classe.

Ensuite, on inclut dans le calcul les émissions des États-Unis, qui eux, au contraire, tirent le bilan vers le haut. Extrayons-les donc, car ce pays n'est pas un «vrai» signataire de Kyoto, qu'il a adopté mais jamais ratifié.

Qu'observe-t-on, une fois les distorsions éliminées? Non plus une baisse, mais une hausse des émissions, de 6,6%.

Pas fort, fort. Surtout quand on sait que la cible Kyoto est une réduction de plus de 5%, que d'importantes économies comme le Japon, l'Australie et le Canada ont vu leurs émissions exploser depuis 1990, que la consommation de combustibles fossiles, comme la motorisation, ne montre aucun signe d'affaiblissement.

Un mauvais outil, donc, Kyoto? Il est trop tôt pour répondre à cette question, car la période de réductions attendues s'étend de 2008 à 2012, alors que les données disponibles s'arrêtent à 2007.

Mais cela n'est pas une raison pour se mettre la tête dans le sable, pour reconduire un traité d'une telle envergure sans reconnaître qu'il se dirige tout droit vers l'échec. Il importe en effet de garder l'esprit ouvert à d'éventuelles alternatives, estime Philipe Le Prestre, directeur de l'Institut Hydro-Québec en environnement de l'Université Laval.

«Le principal enjeu de Copenhague n'est pas de sauver Kyoto, mais de s'assurer que des actions concrètes soient entreprises par les pays industrialisés et les pays émergents pour réduire les émissions, indique-t-il. L'important n'est pas de s'accrocher à un modèle, mais bien de s'engager.»

Pourquoi, dans ce cas, ne pas se limiter à une quinzaine d'importants pollueurs plutôt que de tenter de convaincre la planète entière? Pourquoi ne pas adopter des accords contraignants par régions, l'Europe, l'Amérique du Nord? Offrir des cibles à la carte pour les pays émergents (quotas d'énergie renouvelable, objectif de réduction de la déforestation, constitution de fonds pour la recherche)?

Kyoto a certes bien des mérites, il a permis à tous de s'asseoir ensemble, a eu un important effet pédagogique, a permis à la technologie de se développer et à la connaissance scientifique de circuler. Mais ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'un moyen, non pas d'une fin.

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La ville de Wuhan, en Chine, enveloppée de smog.

Le Canada exclu du Commonwealth?

La nouvelle est passée inaperçue au Québec. Lors du dernier sommet du Commonwealth, tenu il y a une semaine à Trinité-et-Tobago, une coalition formée de politiciens, de scientifiques et de militants a demandé que le Canada se fasse montrer la porte du Commonwealth, en raison de son laxisme environnemental, selon The Guardian. «Si le Commonwealth est sérieux lorsqu'il affirme que ses membres sont imputables, il devrait suspendre immédiatement le Canada en raison des menaces qu'il fait peser sur des millions de vies dans les pays en développement», a lancé Saleemul Huq, un scientifique rattaché au GIEC, au nom du groupe, formé notamment de l'Institut Polaris et de Greenpeace.

Guardian.co.UK

  

Copenhague = Yalta?

Pour le magazine américain Mother Jones, la conférence de Copenhague est «la réunion diplomatique la plus importante de l'histoire du monde», plus encore que Versailles ou Yalta, dont les échecs ne se sont traduits «qu'en décennies de souffrance et en millions de vies». Oui, oui, vous avez bien lu. «Si on ne parvient pas à limiter le changement climatique, les conséquences s'étendront sur des dizaines de milliers d'années et toucheront des générations qu'on n'imagine même pas encore», ajoute l'auteur, Bill McKibben. Trop, dit-on, c'est comme pas assez... 

MotherJones.com

  

Un accord à Mexico, plutôt?

Et si la communauté internationale ne s'entendait pas à Copenhague? Cette possibilité s'est transformée en probabilité ces dernières semaines, alors que le clivage opposant pays riches et pays émergents s'est accru. Même que l'Union européenne semble s'être résignée à la chose. «Il est très important que nous arrivions à des résultats (...) dès le premier semestre de l'an prochain», a indiqué la chancelière allemande, Angela Merkel. Plus encore, le Mexique s'est déjà proposé pour accueillir une conférence de la dernière chance en 2010, si Copenhague ne débouche pas sur un accord remplaçant Kyoto.