La direction de Radio-Canada a annoncé hier la suppression de 805 postes au pays, dont 335 au réseau français. Raisons invoquées: la crise économique et un important trou dans les recettes publicitaires. La télévision absorbera environ 86,5 % de toutes les compressions, contre 13,5 % pour la radio. Verrez-vous des changements à l'écran? Les entendrez-vous sur les ondes du 95,1 FM? Malheureusement, oui.

Pénible et très longue journée pour les employés de la grande tour du boulevard René-Lévesque hier. À 11 h 45, dans une téléconférence cacophonique des trois ténors de Radio-Canada, soit le pdg Hubert Lacroix, Sylvain Lafrance pour les francos et Richard Strusberg du côté anglo, ils ont sèchement appris que 805 d'entre eux, dont 335 au réseau français, perdaient leur gagne-pain. Mais qui exactement? Ah, ça vous le saurez plus tard, soyez patients, please be patient, a averti Hubert Lacroix dans une allocution bilingue qui a duré 60 minutes chrono.

À 14 h 30, le Syndicat des communications de Radio-Canada a tiré la sonnette d'alarme et blâmé le gouvernement conservateur de Stephen Harper pour cette cure minceur. D'accord, mais qui exactement perd son emploi? Et quelles émissions disparaîtront de la grille l'automne prochain? Ah, ça, vous le saurez plus tard, il faut d'abord que tous les vice-présidents communiquent la «ventilation» des compressions à leurs secteurs respectifs.

Non, mais personne à Radio-Canada n'avait le goût d'arracher le pansement d'un coup sec, clac! au lieu de laisser mariner environ 9900 personnes dans l'incertitude? Pendus à leurs téléphones ou vissés à leurs écrans plats, de nombreux employés ont poireauté une bonne partie de la journée en se rongeant nerveusement les ongles: aurai-je mon travail demain? Une attente souffrante et interminable.

Car plusieurs d'entre eux, notamment ceux qui bossent à la radio (Espace Musique et 95,1 FM) et à la télévision générale, ne connaîtront - officiellement - leur sort que ce matin. Imaginez. Vingt-quatre heures après le discours des trois ténors. C'est long. Beaucoup trop long.

Voici les infos que j'ai glanées en soirée hier sur les changements découlant des réductions budgétaires que vous apercevrez à la télévision et que vous entendrez à la radio. D'abord, aucune des grandes émissions d'information télé de la SRC comme Une heure sur terre, Découverte, La facture, Enquête et L'épicerie n'a été sacrifiée. «Elle fonctionneront cependant avec des équipes réduites», détaille le vice-président des services français de Radio-Canada, Sylvain Lafrance, en entrevue à La Presse. Selon nos informations, le budget d'Une heure sur terre rétrécirait comme un chandail de laine passé à la sécheuse.

La SRC ferme son bureau à Dakar, au Sénégal, et ramène au pays la journaliste Sophie Langlois, qui couvrira le continent africain à partir de Montréal. Le correspondant du Réseau de l'information (RDI) à Paris, Luc Chartrand, rentre aussi à Montréal, faute de ressources financières pour le maintenir dans la Ville lumière. Seul le reporter Maxence Bilodeau, rattaché au Téléjournal, reste.

Changement important pour RDI: le bulletin de nouvelles de minuit a été aboli. L'antenne fermera donc une heure plus tôt. L'émission politique Les coulisses du pouvoir, pilotée par Daniel Lessard, subira une importante refonte, question d'en abaisser les coûts de production. Les capsules RDI Junior, enregistrées à Québec et animées par Claudia Genel, passent également dans le tordeur. Désolé les jeunes, faudra maintenant se brancher sur les nouvelles des grands.

Parlant des enfants, ils écopent aussi sur l'antenne principale de Radio-Canada: le bloc matinal leur étant consacré du lundi au vendredi, entre 6 h et 9 h, fondra de moitié. Les Toc, Toc, Toc et autres Sauvetout! passeront désormais entre 6 h 30 à 8 h. Et qui remplacera Zénon le petit cochon? Mystère.

La direction de la SRC a également exigé de tous les producteurs indépendants lui fournissant des émissions qu'ils amincissent leurs budgets de 10 % à 25 %. «Tout le monde y a passé, sans exception», constate le producteur Vincent Leduc de chez Zone 3, qui a dû éliminer le gras dans Le moment de vérité, 3600 secondes d'extase, Infoman et Pour le plaisir. Vous verrez à l'automne des versions allégées de ces quatre émissions. «D'un oeil distrait, les coupes ne seront pas trop apparentes», croit Vincent Leduc.

À la Première chaîne (95,1 FM), les patrons ont tiré la plogue sur la quotidienne Vous êtes ici de Patrick Masbourian, Macadam tribus de Jacques Bertrand et Fréquence libre de Philippe Fehmiu. Joint hier, Jacques Bertrand ne sautait évidemment pas de joie. «Ils veulent mettre l'accent sur les émissions en heure de grande écoute. C'est une décision économique qui me déçoit énormément. Macadam tribus, c'est 12 ans de ma vie, c'est presque la moitié de ma carrière en radio», souligne Jacques Bertrand, dont le contrat expire en juin 2010. Macadam tribus s'éteindra dans trois mois.

À l'heure du midi, la tribune téléphonique de Pierre Maisonneuve, dont la diffusion se limite présentement aux frontières du Québec, deviendra nationale en septembre, ce qui entraînera la disparition de toutes les émissions du midi produites en région.

Du côté des dramatiques, pas question d'en torpiller, mais plutôt d'en reporter la diffusion (encore ici, les détails nous parviendront dans les prochains jours). Des reprises boucheront les trous. Et, rassurez-vous, les gros canons comme Tout le monde en parle, Virginie, Providence, Les Parent, Les Boys, L'auberge du chien noir de même qu'Et dieu créa Laflaque resteront à l'horaire. En ces temps de restrictions, un coup parti, la SRC ordonnera-t-elle à Guy A. Lepage de ne servir que du vin de dépanneur à ses invités? O.K., désolé pour cette blague au goût douteux (de Harfang des neiges).