Aucune controverse. Des remerciements ronflants (Zzzz). Des mâcheurs de gomme compulsifs (à la poubelle, votre Excel!). Quelques rares parcelles d'émotion - merci Renée Martel. Bref, une soirée tranquille comme un long fleuve.

Heureusement que a) le gala n'a pas duré 3h30 comme l'an passé et que b) Louis-José Houde a porté à bout de bras cette 31e remise des prix Felix, car nous aurions collectivement sombré dans un blues musical nous donnant presque le goût de se saucer le gros orteil dans la piscine bleutée des célibataires d'Occupation double à TVA. Presque.

Vraiment, pour son quatrième tour de piste consécutif, l'animateur du gala de l'ADISQ a volé la vedette dimanche, son sarcasme bien dosé, ses habits d'un chic fou et son sens de la répartie bien aiguisé.

Dans son monologue d'introduction, Louis-José Houde a été rigolo et percutant en se moquant gentiment, mais fermement, d'Annie Brocoli, Chantal Lacroix, Coeur de pirate, Kiss et Gilles Vigneault. Voilà un humoriste qui sait toujours dénicher le ton juste pour tirer la pipe aux artistes: jamais trop méchant, jamais trop mièvre, juste assez grinçant. Chapeau.

L'humoriste, en voie de devenir un de nos plus solides maîtres de cérémonie, a démarré en lion et n'a jamais vraiment ralenti la cadence par la suite. Par contre, les segments qui l'entouraient ont valsé entre le correct et le plus pire, pour citer La Chicane.

On pense ici à Jean Leloup, qui a été d'un ennui mortel. C'est triste pour un artiste aussi talentueux. Son numéro a été trop long, trop linéaire. Imaginez maintenant la totalité du concert qu'il a donné au Colisée de Québec.

Quant au numéro d'ouverture, où se mêlaient les voix de Coeur de pirate, Yann Perreau et Beast, il a été mignon et divertissant, mais pas très grand public, soyons honnêtes. Il manquait peut-être une grosse vedette populaire, comme Marie-Mai, par exemple, pour accrocher le plus de téléspectateurs possible. Mettons que ça faisait un peu Plateau Mont-Royal - ou Montréalo-cool - comme pot-pourri, même s'il a été exécuté sans faille ni problème.

Et ne l'oublions pas, c'est toujours la guerre aux cotes d'écoute. Pour doubler l'ADISQ, TVA a démarré son Banquier à 19h29, soit une minute avant le début du gala de Radio-Canada, question de rabattre le plus grand nombre de téléphages sur ses ondes.

Parmi les bons coups, on aime quand deux artistes partagent - pour vrai - la scène comme Ima et Florence K. D'un point de vue de téléspectateur, je n'ai pas pleuré la disparition du traditionnel hommage, qui ralentit toujours la soirée et provoque un exode chez le compétiteur. Le pot-pourri des Douze hommes rapaillés a bien comblé cette absence.

Côtés remerciements, pour la plupart peu inspirés, ils tranchaient avec le rythme d'enfer et la drôlerie insufflés par Louis-José Houde. Louis-Jean Cormier de Karkwa a été enterré par la musique signalant que, oups, c'est terminé. Yann Perreau a été quasi didactique. Et mémo au groupe Mes Aïeux: bravo pour vos Félix, mais déléguez donc une seule personne pour parler au micro l'an prochain. Le défilé de tous vos membres, c'est un brin longuet.

Vers 21h30, soit deux heures après le début de cette fête de la musique québécoise, Renée Martel a offert le plus beau moment d'émotion en s'agrippant au Félix du spectacle de l'année. «Ça fait 57 ans que je fais ce métier-là et c'est la première fois que je suis mise en nomination et que je gagne», a-t-elle balbutié d'une voix étranglée par l'émotion. Ovation debout. Précision, ici: oui, la reine du country québécois a déjà raflé des Félix dans sa longue carrière. Son premier remonte à 1983 pour l'album C'est mon histoire. Elle a aussi été honorée en 1985, 1998 et 1999. Toujours pour des disques, jamais pour des spectacles, par contre.

Après Renée Martel, le niveau d'intensité a enfin grimpé d'un cran avec la montée sur scène des interprètes de l'année Nicola Ciccone (beau discours, livré avec aplomb) et Ginette Reno, qui fait crouler de rire le public du théâtre St-Denis en remarquant: «Je veux remercier tout le monde qui a voté pour moi, vous aviez raison!».

Quelques minutes plus tard, Ginette Reno a gagné la statuette dorée de la chanson de l'année avec Fais moi la tendresse. Réaction de l'interprète? «Je suis une femme heureuse et privilégiée. Pis là, je m'en vais me paqueter». Merci Ginette.

La controverse sur le retrait de l'ADISQ de Musicor, une filiale du groupe Quebecor, n'a pas délié les langues dimanche. Seul Louis-José Houde l'a effleurée en parlant de la bande originale de Babine, gagnant d'un Félix au gala hors d'ondes, «suivi de très près par Baboune de Pierre Marchand». Pierre Marchand préside le Groupe Archambault et songe à concocter un gala parallèle qui honorerait les stars associées à son empire.

Pour votre info, Renée Martel, Florence K, sous contrat avec Musicor, ont brillé dimanche soir. Mais est-ce que ce sera suffisant pour rassasier les dissidents?

Photo: Robert Skinner, La Presse

Louis-José Houde a démarré en lion et n'a jamais vraiment ralenti la cadence par la suite.