Dean Bergeron écoute. Et il ne comprend pas. Comme bien d'autres, l'athlète paralympique a eu vent des propos qu'a tenus ce week-end l'ancien défenseur du Canadien, Guy Lapointe. Aujourd'hui dépisteur pour le Wild du Minnesota, Pointu a ajouté sa voix au concert des apologistes des bagarres qui déplorent la sévérité accrue de la Ligue de hockey junior majeur du Québec envers la «violence gratuite».

«Bientôt, on va leur mettre des tutus», a dit Pointu au collègue Stéphane Leroux, de RDS, après qu'Angelo Esposito, qui avait jeté les gants pour venger un coéquipier, eut été expulsé d'un match du Junior de Montréal.

Lapointe n'est pas seul dans son camp. Il marche dans le large sillon tracé par le matamore en résidence du Canadien, Georges Laraque. La LHJMQ se transformerait en «Ligue de danseuses de ballet de l'Est du Canada» si les bagarres étaient abolies, avait dit Laraque, au printemps.

Les tutus, les ballerines: un chausson avec ça?

Au bout du fil, Dean Bergeron soupire. «Je ne comprends pas qu'en 2008, on ait encore besoin de bagarres. Le hockey a tellement évolué, les joueurs sont tellement plus habiles et plus rapides! Il n'y a plus de place pour cela.»

Dean Bergeron parle en connaissance de cause. Il y a 21 ans, l'athlète de Québec, gagnant de quatre médailles (dont deux d'or) en athlétisme lors des Jeux paralympiques de Pékin, a perdu l'usage de ses jambes et de muscles de ses deux mains à la suite d'une bagarre survenue lors d'un match simulé des Cataractes de Shawinigan.

«C'était le 25 août 1987. Trois bagarres ont éclaté en même temps. J'ai reçu un coup de poing et j'ai perdu conscience. Je suis tombé en perdant mon casque, l'autre gars est tombé sur moi et je ne me suis pas protégé. Ma tête a été projetée vers l'avant, deux vertèbres ont éclaté et la moelle épinière aussi. Ça a été la fin d'un rêve.»

L'exception qui confirme la règle, diront les amateurs de combats sur patins. Un coup du sort. Un cas isolé. Allez raconter ça à Dean Bergeron. «Un cas, c'est un cas de trop, réplique-t-il. À 17-18 ans, je me pensais invincible. Mais ce n'était pas vrai.»

Je ne peux m'empêcher de rigoler quand j'entends dire que les équipes de la Ligue nationale de hockey vont se mettre à bouder les espoirs québécois si la LHJMQ maintient la ligne dure envers les bagarres.

La vérité, c'est que la LNH a tourné le dos au hockey «made in Québec» bien avant que le commissaire Gilles Courteau ne durcisse le ton. Même si la LHJMQ a un peu resserré l'écart au cours des dernières années, elle est historiquement beaucoup moins populaire que les ligues de l'Ontario et de l'Ouest auprès des recruteurs. Le problème du hockey québécois, ce n'est pas qu'il ne forme pas suffisamment de Georges Laraque. C'est qu'il ne produit pas assez de Vincent Lecavalier ou de Simon Gagné.

Et puis, ce n'est pas comme si la LHJMQ était seule dans son monde. Faudrait quand même se rappeler que les bagarres sont sévèrement punies non seulement en Europe, mais aussi au hockey universitaire américain. Est-ce que la rigueur anti-bagarres de la NCAA a fait de Mike Komisarek une moumoune? Je ne pense pas.

Je ne suis pas le plus grand fan de Gilles Courteau. Il attend souvent que le ciel lui tombe sur la tête pour réagir. Mais au moins, il réagit. Il a reconnu beaucoup plus vite que ses homologues au sein de la Ligue canadienne la nécessité pour le hockey junior de se doter d'une politique antidopage. Et la diminution radicale du nombre de bagarres dans la LHJMQ cette saison tend à démontrer l'efficacité des nouveaux règlements adoptés dans la foulée de l'affaire Jonathan Roy, qui manquaient de dents aux yeux de certains.

«Il y a beaucoup moins d'intimidation et de bagarres qu'il y a 20 ans, souligne Dean Bergeron. Et à Québec, c'est tout le temps plein. Si tu donnes un bon spectacle...»

Je n'ai rien contre le sympathique Georges Laraque (et, à en juger par l'accueil digne d'un gagnant du trophée Hart qui lui a été réservé au Centre Bell, vous non plus). Mais si l'évolution du hockey signifie que les bagarreurs sont une espèce en voie de disparition, je serai le dernier à m'en plaindre. Gardez le cap, M. Courteau.

Vivement deux équipes à Toronto

Le Globe and Mail a fait état, hier, de «discussions informelles» qui auraient cours entre des gouverneurs de la Ligue nationale de hockey afin de doter Toronto d'une seconde franchise, aux côtés des Maple Leafs. Le scénario est moins farfelu qu'il n'en a l'air: si la région de Los Angeles peut faire vivre deux équipes de la LNH, la métropole canadienne peut certainement en faire autant.

Il y a amplement de richesse dans le sud de l'Ontario pour permettre la cohabitation de deux équipes. Les Leafs sont immensément populaires, bien sûr. Mais ce marché de près de six millions d'habitants est rempli d'amateurs venus d'ailleurs au pays qui ne demanderaient pas mieux que d'encourager une autre équipe. Surtout que les billets seraient sans doute plus faciles à dénicher que pour les matchs des Maple Leafs...

Si quatre décennies de médiocrité ne sont pas parvenues à entamer la popularité des Leafs (leur dernière Coupe Stanley remonte à 1967, faut-il le rappeler), l'arrivée en ville d'une équipe rivale ne devrait pas leur faire peur. Si ça se trouve, ça pourrait finalement motiver l'organisation à se secouer les puces et à offrir du bon hockey à ses partisans.