Le temps est venu de songer sérieusement à créer une superligue nationale de football universitaire.

Une «division I» canadienne, pour emprunter à la terminologie de la NCAA, ne pourrait pas voir le jour avant quelques années, au minimum. Mais cette avenue s'impose si on veut que la compétition, dominée outrageusement par quelques programmes, dont celui du Rouge et Or de l'Université Laval, garde un minimum de sens.

Seule équipe invaincue au pays cette saison, le Rouge et Or disputera la Coupe Dunsmore aux Stingers de Concordia, ce week-end, une semaine après une victoire facile de 32-7 aux dépens des Carabins de l'Université de Montréal en demi-finale de la Ligue de football universitaire du Québec.

Sans vouloir préjuger du résultat, Laval, qui a déjà vaincu Concordia deux fois cette saison, semble bien placé pour poursuivre sa route vers une cinquième participation en 10 ans à la Coupe Vanier. (Pour y arriver, il lui faudra aussi remporter l'Uteck Bowl, contre le champion de l'Ouest canadien, la semaine suivante.)

Laval a bâti un programme extraordinaire depuis ses débuts en football en 1995. Le fait d'être la première université francophone à se lancer dans le ballon ovale lui a conféré un avantage certain côté recrutement, que les succès rapides de l'équipe - la première conquête de la Coupe Vanier est survenue dès 1999 - n'ont fait qu'accentuer.

Le Rouge et Or profite en plus depuis 2001 des services d'un coach charismatique doublé d'un extraordinaire recruteur, Glen Constantin. L'appui de la famille Tanguay et d'une kyrielle de commanditaires permet à l'équipe de se payer des camps d'entraînement en Floride, tandis que les joueurs bénéficient des conseils d'un préparateur physique réputé, Raymond Veillette, qui a entre autres travaillé avec les skieurs Mélanie Turgeon et Jean-Luc Brassard.

Bien sûr, les Carabins et le Vert et Or de l'Université de Sherbrooke continuent de progresser et le jour finira bien par arriver où ils pourront faire concurrence au Rouge et Or sur une base régulière. Le problème, c'est que pendant ce temps-là, les Bishop's et McGill de ce monde continueront de se faire matraquer 56-6 ou 67-8, comme ça leur est arrivé cette année. (On ne parlera pas de l'Université York, en Ontario, qui a notamment encaissé des défaites de 80-0, 71-0 et 53-0...)

Ces matchs à sens unique sont malheureux pour les perdants, mais ils ne sont guère plus agréables pour les partisans des équipes victorieuses. «On y va pour prendre une bière avec les boys, parce que les matchs sont souvent ennuyants», m'avouait un ami abonné aux matchs du Rouge et Or.

D'où l'idée de créer deux divisions. Les universités moins fortes arrêteraient de servir de chair à canon, tandis que les meilleures pourraient s'affronter à armes plus ou moins égales.

«Il y a quelques petits programmes qui ne diraient sans doute pas non à une division II, reconnaît Michel Bélanger, de Sport interuniversitaire canadien (SIC). Des universités de 2500 étudiants - incluant les filles - comme Bishop's ou de 1800 étudiants, comme Mount Allison, se battent contre des établissements de 55 000 étudiants, comme l'Université de Montréal. C'est sûr que ce n'est pas réaliste.»

Le problème, c'est qu'il n'y a présentement que 27 équipes de foot universitaire au pays. Enlever les huit ou neuf meilleures laisserait un grand trou. «Avec seulement 27 équipes, je ne pense pas qu'un système à deux divisions puisse voir le jour, dit Pat Sheahan, entraîneur des Golden Gaels de Queens et président de l'Association des entraîneurs de football universitaire. Le football est déjà la discipline la plus coûteuse pour la plupart des programmes de sport universitaire du pays. Si Mount Allison (Nouveau-Brunswick) doit affronter McGill et York, ça va leur coûter plus cher et ça n'améliorera rien. Ma crainte, c'est que ça signifie la mort de certains (petits) programmes.»

La solution passe par l'expansion du football vers de nouvelles universités, pense le président du club de football du Rouge et Or, Jacques Tanguay. «Partir à huit, ce serait inacceptable. Il faut un plan de développement national, avec l'ajout de nouvelles équipes. Au Québec, ce pourrait être l'UQAM ou les Universités du Québec à Chicoutimi ou à Rimouski. Il faut monter à 40 universités. Le potentiel est là.»

Selon lui, les coûts supplémentaires, notamment en transport, qu'engendrerait la création de deux divisions pourraient être épongés par un engagement accru des commanditaires et une politique de partage des revenus avec la division II.

«Pour développer l'excellence, il faut niveler par le haut et créer une compétition», souligne l'homme d'affaires, qui imagine bien un système de promotion et relégation entre les deux divisions. «Si on crée une division I, ça créera plus d'intérêt dans les médias. On va faire vivre aux athlètes une expérience plus forte, contre les meilleurs. Ça pousserait les athlètes et les universités à se dépasser.» Et ce serait sans doute plus agréable à regarder qu'un 80-0...

Autre Grand Prix, autre déficit

J'espère que les politiciens qui tentent de sauver le Grand Prix du Canada ont jeté un coup d'oeil aux récentes dépêches en provenance d'Australie. L'État de Victoria, où a lieu le Grand Prix de Melbourne, a dû éponger un déficit de 40 millions de dollars australiens (32 millions) pour l'épreuve de cette année. C'est cinq millions de plus que l'an dernier et le double d'il y a deux ans. Quand on met le doigt dans le tordeur de Bernie Ecclestone...