Difficile de ne pas voir le calcul politique qui se profile derrière l'appui que Jean Charest a donné hier à une éventuelle candidature de Québec pour l'organisation des Jeux olympiques d'hiver.

Promettre mer et monde à Québec en pleine campagne électorale, ça ne peut que flatter les électeurs de la Capitale nationale dans le sens du poil. Et ça pourrait aider le Parti libéral à torpiller le bateau de l'Action démocratique du Québec, qui a fait main basse sur la plupart des circonscriptions de la région lors des élections du printemps 2007.

Le symbole que sont les Jeux olympiques pourrait être porteur. Les habitants de Québec semblent avoir retrouvé le goût de rêver depuis le succès des Fêtes du 400e et l'arrivée en poste du maire Régis Labeaume, beaucoup plus ouvert aux grands projets que son prédécesseur, la mairesse Andrée Boucher.

«Le monde de Québec ne plie plus les épaules par en dedans. Il y a de la confiance et de l'ouverture», note l'avocat Marcel Aubut, lancé depuis quelques semaines dans une offensive tous azimuts pour que Québec plonge dans la course aux Jeux de 2018 ou 2022.

Cela dit, si le PLQ trouve un intérêt politique immédiat dans les engagements pris hier par Jean Charest, cela fait un bon moment que le chef libéral caresse l'idée de faire de Québec une ville olympique. Il en parlait déjà au printemps 2006, à l'époque du happening Célébrons l'excellence qu'avait organisé Marcel Aubut en marge du congrès annuel du Comité olympique canadien (COC). «L'idée de remettre Québec en mode olympique, c'est l'idée de Jean Charest», me disait hier Me Aubut.

N'oublions pas que Jean Charest a été, sous Brian Mulroney, le seul véritable ministre fédéral du Sport que ce pays ait jamais connu (même le très visible et efficace Denis Coderre était un simple secrétaire d'État).

Il en a gardé une sensibilité envers le sport qu'il a notamment démontrée il y a deux ans, en donnant le feu vert à des investissements de 250 millions sur 10 ans pour la construction et la rénovation d'infrastructures sportives tels des arénas et des terrains de soccer.

L'objectif de tenir des JO à Québec rend probablement plus acceptables politiquement les promesses d'investir neuf millions dans le recouvrement de l'anneau de glace Gaétan-Boucher, de rehausser les pistes de ski du Massif ou d'engloutir 50 millions dans un «nouveau Colisée». De tels projets étofferaient aussi un éventuel dossier de candidature de Québec, car ils permettraient à Québec d'organiser au préalable des événements sportifs d'envergure, tels des championnats du monde ou des épreuves de Coupe du monde.

Toutes sortes d'obstacles se dressent toutefois entre Québec et les Jeux. Le COC, déjà occupé par les Jeux de 2010 à Vancouver et la candidature de Toronto pour les Jeux panaméricains de 2015, est tiède, au mieux. Le choix des villes-hôtesses des prochains Jeux d'hiver et d'été et la politique officieuse de rotation des continents du Comité international olympique pourraient aussi retarder l'échéance jusqu'à 2026, voire 2030.

Cela dit, si la ville russe de Sochi, où poussent des palmiers, peut accueillir les Jeux de 2014, sûrement qu'une authentique ville d'hiver comme Québec est capable d'organiser des Jeux elle aussi... même s'il faut pour cela doter le Massif d'un sommet artificiel!

Au-delà de Jeux olympiques qui restent hypothétiques, un fait demeure: des investissements majeurs s'imposent, après trois décennies au cours desquelles le béton sportif a été systématiquement coulé dans l'Ouest canadien, en raison des Jeux olympiques de Calgary (1988) et de Vancouver (2010).

«On a un manque à gagner très important d'infrastructures sportives dans l'est du pays», confirme Jean Dupré, vice-président du COC et directeur général de Patinage de vitesse Canada. «En patinage de vitesse, 50% de notre membership se trouve au Québec et dans l'Est. Mais ils ne peuvent pas s'entraîner dans des conditions idéales à l'anneau Gaétan-Boucher. Les athlètes sont toujours désavantagés par rapport à ceux qui peuvent s'entraîner pas loin de 300 jours par an à Calgary.»

L'essentiel est là. Qu'on donne la chance aux athlètes d'ici de se développer chez eux, sans avoir à s'exiler, dans des installations qui profiteront à toute la population. Si certains politiciens québécois comprennent ça, tant mieux. C'est un début, en attendant que le fédéral se réveille.