Il lui aura fallu six longs mois pour «faire le ménage» dans sa tête et retrouver le feu sacré, mais Joachim Alcine est finalement de retour, prêt à reconquérir son titre perdu des super mi-moyens de la WBA. À une condition: ne plus avoir à se battre les vendredis soir et les samedis après-midi.

Homme profondément croyant, Alcine a décidé d'obéir aux préceptes de sa religion, l'adventisme, et de respecter dorénavant le sabbat. Une manière comme une autre de tirer un trait définitif sur la défaite qui lui a coûté sa ceinture, le 11 juillet dernier.

Ce vendredi-là, on s'en souviendra, Alcine s'était incliné par K.-O. devant Daniel Santos, lors de la première défense obligatoire de son titre, au stade Uniprix. Un moment d'inattention au sixième round, une garde un peu basse et pan! - un percutant crochet de gauche de Santos l'avait cueilli à la mâchoire, l'envoyant au tapis pour le compte.

Alcine a ensuite disparu dans la nature tout l'automne. Les rumeurs se sont multipliées. Ti-Joa ne voulait plus se battre. Il croyait que sa défaite était une punition de Dieu. Il avait fait faux bond à son entraîneur, Howard Grant. Bref, ça ne sentait pas très bon.

On s'était apparemment inquiété pour rien. C'est un homme confiant et déterminé à redevenir champion du monde qui s'est présenté devant les médias, au gymnase du Groupe Yvon Michel, hier, dans le nord de la ville. Un homme qui avait «besoin d'un break» et qui a profité de l'occasion donnée par sa défaite pour se l'offrir.

«J'entendais dire que j'étais parti dans la brume. Non, non, non! Il fallait juste que je fasse le ménage dans ma vie et psychologiquement», a dit Ti-Joa, qui a continué de s'entraîner au cours de l'automne, même s'il s'est tenu à l'écart du ring.

Il a trouvé réconfort dans sa foi, mais aussi dans l'histoire de la boxe. «Muhammad Ali est tombé. Lennox Lewis est tombé. Shane Mosley est tombé. Tous les grands boxeurs sont tombés. Pourquoi pas moi?»

Flanqué d'Howard Grant et du promoteur Yvon Michel, avec qui il est sous contrat pour les deux prochaines années, Alcine (30-1-0, 19 K.-O.) a donné l'assurance qu'il reviendrait plus fort. «J'ai faim. J'avais perdu l'appétit à mes quatre derniers combats. Là, j'ai envie de me battre et d'embarquer dans le ring. Je m'entraîne avec une passion que j'avais perdue, mais que j'ai retrouvée. Ça va être une excellente année, j'en suis convaincu.»

Étonnant, cet aveu d'une flamme temporairement disparue. Après tout, le passage à vide dont parle Alcine correspond grosso modo à la période où il a détenu la ceinture de la WBA. Devenu champion le 7 juillet 2007 grâce à une victoire par décision unanime face à Travis Simms, Ti-Joa a défendu sa ceinture une fois avec succès, contre Alfonso Mosquera, avant de perdre contre Santos.

Mais il faut parfois tout perdre pour mesurer pleinement la valeur de ce qu'on avait. «Ma défaite m'a beaucoup aidé, affirme Alcine. Un savant de la boxe a dit un jour que le vrai champion est celui qui va au plancher, se relève et redevient champion.»

Présentement quatrième aspirant de la WBA, le boxeur lavallois n'a pas une éternité devant lui. Il aura 33 ans le 26 mars. Il rêve d'un combat revanche cette année. Il retournera dans l'arène quelque part entre la fin mars et la mi-avril, dans une carte qui pourrait aussi inclure le premier combat de Jean Pascal depuis sa défaite en championnat du monde face à Carl Froch, le mois dernier. Le gala pourrait avoir lieu au Centre Bell, mais Yvon Michel n'écarte pas la possibilité d'organiser la soirée à Québec, «un marché à développer».

GYM vise pour Alcine un adversaire classé dans le top 15 mondial. Une victoire serait le prélude à un match éliminatoire, en juin, si la WBA donne son accord. Un combat pour le titre mondial dans les derniers mois de 2009 deviendrait alors possible. Howard Grant est optimiste. «La boxe n'est pas seulement un sport physique. L'aspect psychologique compte aussi beaucoup. Si le mental est là, personne ne peut battre Joachim.»

Après sa défaite contre Santos, Alcine avait été critiqué, à juste titre, pour avoir négligé d'étudier les bandes vidéo des combats précédents de son adversaire. «Mes méthodes d'entraînement vont changer, a reconnu Alcine, qui dit avoir tiré les leçons qui s'imposent de la solide performance de Jean Pascal dans sa défaite contre Froch. Pascal s'était entraîné deux mois en Arizona avant son combat de championnat.

«Je vais suivre ce que mon entraîneur va me dire, a dit Alcine. Je vais m'arranger pour faire les choses comme il se doit. Si je tombe encore, personne ne pourra sortir l'excuse que je n'avais pas regardé les cassettes.»

Alcine nie avoir songé à abandonner la boxe. «Je rêve d'aider les enfants pauvres, mais je ne suis pas rendu à ce stade. La boxe n'est pas finie. Je crois sincèrement que je vais être là encore longtemps.»

Sauf les vendredis soir, bien sûr. «De toute façon, les combats qui rapportent des millions ont tous lieu le samedi, a lancé Alcine en ne blaguant qu'à moitié. Avez-vous déjà vu Oscar de la Hoya se battre un vendredi soir?»