Le baril avait un double fond.

Après son horrible défaite de 6-2 à Calgary, le Canadien a réussi à se surpasser à Edmonton, mercredi soir («souspasser» serait sans doute plus juste, mais le mot n'est malheureusement pas dans mon Petit Robert). Perdre 7-2 contre des Oilers pourtant bien ordinaires, c'était plus que gênant. C'était triste à voir.

Si le Canadien était un avion, on dirait qu'il est parti en vrille. S'il était un navire, il serait à la dérive. Et s'il était un patient psychiatrique, il serait un dépressif profond.

Cette équipe est malade. Les symptômes s'observent sur la patinoire - jeu désorganisé, gardiens de but dépassés par les événements - mais aussi au classement: au fil de sa séquence de neuf défaites en 11 matchs, l'écart séparant le Canadien de la neuvième place dans l'Est et d'une exclusion des séries a fondu de plus de la moitié, passant de 12 à cinq points.

Guy Carbonneau a essayé un mini traitement-choc en forçant ses joueurs à s'entraîner le dimanche et en les faisant patiner sans rondelle (seulement un quart d'heure, je sais). Sans succès. Il a utilisé la médecine douce en amenant ses troupes aux quilles. Sans succès. Il a eu recours à la pensée magique en mélangeant ses trios comme un croupier saoul brasserait ses cartes. Sans succès.

Le patient est-il incurable pour autant? Bien sûr que non. Rien n'est incurable dans la LNH, à part peut-être la médiocrité chronique des Maple Leafs de Toronto et l'absence d'intérêt pour le hockey à Phoenix, Nashville ou Atlanta.

Le Canadien peut encore s'en sortir. Il peut encore freiner sa descente aux enfers. Mais pour y arriver, il faut que certains gestes soient faits. J'en vois cinq:

1. Donner un repos à Carey Price

L'ère des miracles semble terminée pour Jesus Price. Le sauveur a besoin d'un sérieux réalignement des chakras. Excusez le cliché, mais à quand remonte son dernier «gros» arrêt? Price a perdu toute confiance en lui, c'est l'évidence. Il a l'air du gardien qu'on a vu lors de la série contre Philadelphie, l'an dernier. Après un des buts qu'il a accordés en deuxième période contre les Oilers, on l'a vu regarder vers le banc du Canadien, comme un noyé qui cherche une bouée de sauvetage. Ses yeux disaient: coach, viens me chercher.

Son inconstance déteint sur tout le monde autour de lui. La communication avec ses défenseurs fait défaut, la confusion règne et le Canadien joue dans sa zone comme si la rondelle était une grenade dont il faut se débarrasser au plus vite. Résultat: des matchs de 26 revirements comme l'autre soir.

Il n'y a pas 36 solutions. Il faut que Price fasse des heures supplémentaires, beaucoup d'heures supplémentaires, en compagnie de l'entraîneur des gardiens Roland Melanson. Et il faut que Guy Carbonneau lui donne du temps avant de le réintégrer dans la formation partante, possiblement jusqu'à la fin du voyage actuel.

Je sais que Jaroslav Halak ne brille pas non plus par les temps qui courent. Mais on risquerait de démolir Price en le rejetant tout de suite dans la gueule du loup. Je me suis même demandé s'il n'y aurait pas lieu de le renvoyer à Hamilton pour lui permettre de rebâtir sa confiance. La thérapie avait fonctionné l'an dernier. Un mois chez les Bulldogs et le prodige était revenu en plein forme, au point où Bob Gainey avait jugé bon de se débarrasser de Cristobal Huet, grave erreur s'il en fut une.

Mais bon, renvoyer un gars dans les mineures trois semaines après qu'il eut participé au match des Étoiles n'est peut-être pas la meilleure idée qui soit, j'en conviens.

2. Conclure une transaction

Je me méfie des transactions motivées par le désespoir. Pour un directeur général, il n'y a pas de meilleure façon de se faire plumer. Mais le Canadien a besoin d'un électrochoc. Et si ça signifie qu'on laisse partir des vétérans qui risquent de ne pas être de retour l'an prochain, comme Alex Kovalev, qu'on le fasse.

Un gardien vétéran serait le bienvenu - à moins qu'on ne décide de rappeler Marc Denis de Hamilton. (Comment lui faire de la place dans l'alignement? Facile. On n'a qu'à envoyer Sergei Kostitsyn faire de l'autobus pendant quelques semaines. Ce n'est pas comme s'il allait manquer au CH.) Un défenseur capable de prendre son tour régulier sur la deuxième paire d'arrières ne ferait pas de tort. Et on ne parle même pas du fameux gros joueur de centre qui fait défaut au Canadien depuis si longtemps.

3. Gainey doit parler aux joueurs

Guy Carbonneau est le seul maître à bord, mais une petite visite de l'amiral Gainey ne pourrait faire de tort. Gainey est sincère dans son appui à Carbonneau, son «meilleur coup» des cinq dernières années? Qu'il aille en témoigner devant les joueurs et qu'il leur fasse comprendre, avec cette force tranquille qui est la sienne, que Carbo est là pour rester. Et qu'il est temps que tout le monde pousse à la roue, pas seulement les Tom Kostopoulos et les Maxim Lapierre.

4. De la stabilité!

Si Guy Carbonneau veut que le Canadien affiche un minimum de cohésion, peut-être qu'il pourrait commencer par ne plus chambouler ses trios toutes les 30 secondes. Les joueurs changent de partenaires tellement souvent qu'ils ont l'air de partouzards dans un club échangiste. Et puis assez d'expériences bizarres. Mathieu Dandenault à l'avant, passe encore, mais Josh Gorges? De grâce. Si un défenseur en arrache, ce n'est pas en le faisant jouer à une position avec laquelle il n'est pas familier qu'on va le relancer.

5. Un entraîneur pour les défenseurs

Rien contre Doug Jarvis, mais le fait est que les défenseurs du Canadien, à commencer par la paire étoile d'Andrei Markov et Mike Komisarek, ont rarement eu l'air aussi confus que présentement. N'y a-t-il pas quelque part un Jacques Laperrière des temps modernes qui pourrait remettre de l'ordre dans leurs têtes?

Et si tout ça ne fonctionne pas? Bah, on finit de fêter le centenaire, on ferme la shop et on repart ça sous un autre nom. Les Nordiques de Montréal, ça vous plairait?