Clara Hughes vient de nous refaire le coup des Jeux olympiques de Turin.

La patineuse de Glen Sutton, médaillée d'or du 5000 mètres aux JO de 2006, vient de connaître une saison pénible sur le circuit de la Coupe du monde. Technique tout croche, résultats à l'avenant, elle en était rendue à se demander si elle savait encore patiner.

Et puis sont arrivés les Championnats du monde par distance individuelle, à l'Anneau olympique de Richmond, ce week-end. Samedi, sur l'ovale où, dans moins d'un an, auront lieu les épreuves de longue piste des Jeux de Vancouver, elle a gagné la médaille d'argent dans le 5000, sa distance fétiche. Seule la Tchèque Marina Sablikova, qui a remporté un troisième titre mondial consécutif, l'a devancée.

«Je me suis battue pour avoir au moins une bonne course cette année, a dit Hughes au téléphone, de son appartement de Richmond, hier. Je savais que j'avais cette course en moi. C'était fantastique.»

Sa performance inattendue est en quelque sorte une répétition de ce qui s'était passé à Turin, il y a trois ans. Mal en point physiquement pendant une bonne partie de l'année, elle avait sorti sa meilleure performance de la saison pour souffler la médaille d'or à sa grande rivale d'alors, l'Allemande Claudia Pechstein.

«Je suis passée à travers le même genre de processus avant les Championnats du monde. Je me sentais mal et j'avais l'impression de ne plus savoir patiner, a dit Hughes. La différence, c'est que cette fois-ci, j'étais à 100% en santé. Je n'arrivais juste pas à exprimer ma forme physique sur la glace en raison de problèmes techniques.»

La source de ses problèmes se trouvait apparemment dans les nouveaux patins qu'elle utilisait cette saison, et qu'elle a abandonnés deux semaines avant les Championnats du monde. «Ce n'est pas mon habitude de blâmer des circonstances extérieures, mais je patinais sur des patins qui n'étaient pas adaptés. J'ai été fatiguée toute l'année parce que ces réglages ne convenaient pas. C'était comme rouler avec un pneu crevé. C'était un désastre total.»

Le contraste n'aurait pu être plus vif avec sa course de samedi, au terme de laquelle elle a devancé sa coéquipière Kristina Groves, médaillée de bronze. «Dès la fin du premier tour, je savais. Je patinais finalement sans effort, en me propulsant vers l'avant au lieu d'avoir constamment l'impression d'appuyer sur la pédale de frein. C'était tellement motivant de me rendre compte que je pouvais encore patiner!»

La quintuple médaillée olympique, qui a aussi profité des conseils techniques de son mentor, le quintuple médaillé olympique norvégien Johan-Olav Koss, a été rassurée par sa performance. «Je suis très contente de voir que j'ai encore en moi ce désir de lutter jusqu'à la mort pour obtenir le résultat que je veux. Peu de gens ont ça. Chez moi, c'est inné. Ça me rassure sur ma capacité de réussir.»

La médaille d'argent de Hughes a été l'un des points forts d'un très bon week-end pour les patineurs canadiens. Ils ont remporté huit médailles, dont deux d'or, malgré l'absence de Cindy Klassen, quintuple médaillée des JO de Turin, et du vétéran sprinter Jeremy Wotherspoon. Les deux sont sur la touche depuis plusieurs mois en raison de blessures.

Christine Nesbitt (or dans le 1000 et bronze au 1500), Kristina Groves (bronze aux 3000 et 5000) et Denny Morrison (argent dans le 1000 et bronze dans le 1500) ont remporté deux médailles chacun. Les filles ont aussi remporté la poursuite par équipe.

Des résultats encourageants, à 11 mois des Jeux de Vancouver. «Si notre équipe gagne huit médailles cette année, on peut penser qu'elle pourra le faire aussi l'an prochain», dit l'entraîneur Robert Tremblay.

Ça tombe bien: huit médailles, c'est en plein l'objectif que le programme À nous le podium, qui vise à propulser le Canada au premier rang du tableau des médailles lors des Jeux de Vancouver, a donné au patinage de vitesse.

Pour Clara Hughes, il y a toutefois place à l'amélioration. «Dans toute organisation, les choses peuvent avoir l'air d'aller bien de l'extérieur, mais il y a quand même des dysfonctionnements. Il faut améliorer la communication à l'interne. Les entraîneurs sont soumis à un stress trop important. Mon entraîneuse (Xiuli Wang) devrait pouvoir utiliser ses méthodes et sa philosophie.»

Prudente, Hughes n'a pas voulu s'étendre sur les difficultés que rencontre l'équipe nationale, se contentant d'évoquer la «bureaucratie» qui a accompagné les récentes injections de fonds supplémentaires dans le sport olympique canadien, à l'approche des Jeux de Vancouver.

«Les choses ne se font pas aussi efficacement qu'elles le devraient, dit-elle. Mais c'est pareil dans tous les sports. Parfois, il y a des gens qui ne savent pas quoi faire avec les nouvelles ressources dont ils disposent. À titre d'athlète d'expérience, je sais ce qu'il me faut. Laissez-moi juste le faire.»

Hughes n'a de toute évidence pas envie d'imiter Marc Gagnon, qui s'est lancé la semaine dernière dans une charge à fond de train contre Patinage de vitesse Canada. Mais il est quand même révélateur qu'en l'espace de quelques jours, deux des plus grands champions olympiques de l'histoire canadienne se montrent critiques envers leur fédération. Espérons que Jean Dupré, le directeur général de PVC Canada, prenne des notes.