Le gala «Unification» du 4 avril, qui opposera les champions poids légers Timothy Bradley et Kendall Holt, est en train de virer à la farce. À deux semaines de l'événement, un conflit majeur fait rage entre le promoteur ChoKO Boxing et son partenaire, le Groupe Spectacles Gillett (GEG), au point où la tenue même de la soirée pourrait de nouveau être compromise.

Le président de ChoKO, Alexandre Choko, est débarqué à La Presse hier avec une pile de documents et une longue liste de doléances. Il accuse notamment GEG de tenter de l'écarter de l'organisation du gala au profit d'InterBox et d'avoir jusqu'ici refusé de rembourser à ChoKO Boxing environ 100 000$ avancés dans la préparation du combat.

Parmi les documents qu'il a exhibés figurait une lettre datée du 17 mars et signée par le grand patron de GEG, Jacques Aubé, selon laquelle «aucun accord n'a été conclu avec vous (Choko) au sujet de la location du Centre Bell pour le 4 avril 2009». Copie de la lettre a été envoyée à Richard Renaud, directeur de la division des sports de combat de la Régie des alcools, des courses et des jeux. «Ils essaient de me faire perdre ma date. Ils veulent faire le show avec InterBox», soutient Choko.

Dans une brève entrevue téléphonique, Jacques Aubé a refusé de commenter les allégations de Choko, qu'il a décrit, au passé, comme son «partenaire financier» dans l'organisation du combat. «Ce qu'on cherche, c'est de maintenir le gala. C'est une bonne carte, avec de bons boxeurs, et l'intention est d'avoir un gala de boxe internationale. On va essayer de le maintenir.»

Doit-on comprendre que l'événement est menacé? «Je ne peux pas dire s'il y a un risque. On va travailler le plus fort qu'on peut pour le maintenir. Je veux absolument qu'il ait lieu et on fait tout en ce sens-là.»

Le porte-parole de la Régie, Réjean Thériault, a indiqué qu'en vertu de la réglementation québécoise, ChoKO Boxing a jusqu'à 16h30, le 24 mars (mardi), pour respecter les conditions de sa licence de promoteur. Cela inclut le fait d'avoir une salle pour présenter l'événement. «Jusqu'ici, il n'a pas rempli toutes les conditions. Et s'il ne les remplit pas, il n'aura pas de licence.»

Choko a déjà sa petite idée sur ce qui va se passer. «Ils vont probablement engager InterBox et InterBox va se faire passer pour le sauveur.» Les dirigeants d'InterBox, qui ont déjà indiqué publiquement être prêts à donner un coup de main dans la promotion du gala, ont décliné une demande d'entrevue.

GEG, le financier?

Les premiers signes avant-coureurs des problèmes actuels ont émergé il y a deux semaines, quand La Presse a révélé que Choko avait omis de verser à la date prévue un paiement de 250 000$US qu'il devait faire aux promoteurs de Holt et Bradley. Des représentants de GEG avaient alors rencontré les promoteurs à New York, en l'absence de Choko, et avaient trouvé un terrain d'entente pour sauver le combat.

Choko affirme aujourd'hui que ce n'est pas lui, mais plutôt GEG qui devait payer les promoteurs américains. Il prétend que GEG était depuis le début le financier du projet, mais que ce fait avait été gardé secret parce que le Groupe Gillett «ne voulait pas froisser» les deux grands promoteurs locaux, InterBox et Groupe Yvon Michel.

Selon Choko, son rôle à lui était de faire jouer ses contacts dans le monde de la boxe afin d'attirer à Montréal un combat d'envergure internationale. «Je n'aurais jamais fait un événement au Centre Bell tout seul. (Jusque là), je faisais juste des événements au Club Soda et au Gym Tristar (dont il est copropriétaire)! Mais j'ai des contacts et GEG a voulu maximiser mes contacts. Ça faisait mon affaire, parce qu'on me promettait 50% de profits qui pourraient atteindre un million de dollars.»

Il soutient que GEG a tenté de tenté de «tirer la plogue» sur le gala après avoir constaté que les billets, mis en vente le 21 février, ne s'envolaient pas aussi vite que prévu. En conférence de presse, quelques jours plus tôt, Choko disait espérer remplir le Centre Bell, mais selon certaines informations, moins de 1000 billets auraient trouvé preneur jusqu'ici... «On n'est pas où on voudrait être», s'est borné à dire Jacques Aubé.

Choko avait entrepris des négociations avec le Groupe Yvon Michel pour inclure dans la carte une de ses vedettes, Joachim Alcine ou Jean Pascal (qui se bat le même jour au Casino de Montréal). Leur présence aurait probablement créé davantage d'intérêt auprès des amateurs de boxe québécois. Mais GEG lui a intimé de suspendre les pourparlers, il y a une dizaine de jours.

Choko affirme que son partenaire Mario Latraverse et lui ont englouti plus de 100 000$ dans l'aventure, dont la moitié provenait d'un prêt que lui avait consenti son père. Joint au téléphone, Latraverse, ex-directeur des sports de combat à la Régie, a été avare de commentaires. Il a néanmoins indiqué qu'il considérait «perdu» l'argent qu'il avait investi et s'est montré incertain quant à la possibilité que le gala ait lieu. «Je ne sais plus quel est son statut. Ça change de jour en jour.»

Malheureusement pour lui, et aussi incroyable que cela puisse paraître, Choko avoue n'avoir jamais eu de contrat écrit avec son partenaire GEG. «Une de mes plus grandes qualités, c'est que je crois», dit-il. Dans le monde de la boxe, c'est sans doute un peu naïf.