Je pensais avoir fait mon deuil de la Formule 1. Il m'a fallu un seul Grand Prix pour me convaincre que j'avais tort. Et me réconcilier avec le sport.

La F1 a l'habitude des histoires improbables. Le sacre in extremis de Lewis Hamilton lors du GP du Brésil 2008, où il avait soufflé dans les derniers virages le titre de champion du monde à Felipe Massa, en était le plus récent exemple. Jusqu'à dimanche.

Le doublé de Jenson Button et Rubens Barrichello au Grand Prix d'Australie a permis au Grand Cirque à Bernie d'entreprendre la saison 2009 sur les chapeaux de roue. Et de faire oublier, pendant quelques heures, toutes les magouilles et guéguerres de coulisses qui continuent de faire rage dans l'univers trouble de la F1.

Cette première victoire de l'écurie Brawn GP, qui a pris le relais de Honda le 6 mars (!), après que le manufacturier nippon eut fait ses adieux à la F1, semble tout droit sortie de l'imaginaire exagérément optimiste d'un scénariste hollywoodien. À cette différence près que les happy-ends sont infiniment plus satisfaisants dans le sport qu'au cinéma.

Robert Kubica (BMW-Sauber) et Sebastian Vettel (Red Bull), dans un élan d'enthousiasme qui rappelait les belles années de Gilles «Ça-passe-ou-ça-casse» Villeneuve, se sont même donné la peine de se sortir mutuellement de piste à trois tours de la fin, permettant ainsi à Barrichello de se faufiler sur la deuxième marche du podium. Button, dont c'était seulement la deuxième victoire en carrière, avait raison de parler de conte de fées après la course. (Pas sûr que les grands patrons de Honda partagent son opinion, mais ça, c'est une autre histoire...)

Même si l'épreuve de Melbourne a été historiquement peu fiable comme baromètre de la forme véritable des équipes, le résultat du premier GP de la saison laisse entrevoir un championnat plus ouvert qu'à l'habitude. Red Bull, Renault, Toyota, BMW ont toutes montré un potentiel certain.

Malgré l'étonnante troisième place de Lewis Hamilton, qui a admis qu'il lui serait difficile de répéter sa performance au Grand Prix de Malaisie, McLaren et Ferrari sont les deux écuries qui semblent le plus en arracher pour l'instant. Il serait toutefois étonnant que ces deux superpuissances traditionnelles de la F1 n'opèrent pas un rétablissement avant longtemps.

Reste que l'écurie de l'ingénieur Ross Brawn semble détenir un net avantage compétitif à ce stade. Et pour cause : plutôt que de gaspiller temps et énergie à faire progresser sa charrette poussive de l'an dernier, l'équipe a très tôt concentré ses efforts sur sa monoplace 2009. La sagesse de cette décision a été démontrée sur le circuit d'Albert Park.

Évidemment, la F1 étant la F1, un point d'interrogation flotte au-dessus du triomphe de Brawn : la contestation par Red Bull, Renault et Ferrari des diffuseurs (un appendice aérodynamique situé à l'arrière de la voiture) utilisés par Brawn, Williams et Toyota. La cause doit être entendue par le tribunal d'appel de la Fédération internationale de l'automobile, le 14 avril. Espérons que les bonzes de la FIA maintiendront la décision favorable à Brawn et consorts rendue par les stewards du GP d'Australie - et éviteront ainsi de tourner en farce une saison qui vient à peine de commencer.

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Le joli spectacle offert à Melbourne (non, je ne parle pas des ailerons avant aux allures de chasse-neige des monoplaces 2009) permet de mesurer une fois de plus l'ampleur du vide laissé par la disparition du Grand Prix du Canada.

Je jasais hier avec Normand Prieur, autrefois en charge des communications au Grand Prix, et il me soulignait à quel point le nouveau système de récupération de l'énergie cinétique (SREC) employé par plusieurs équipes aurait amélioré les chances de dépassements sur le circuit Gilles-Villeneuve. À Melbourne, les chevaux-vapeur supplémentaires fournis par ce système qui récupère l'énergie générée au freinage ont notamment aidé les Ferrari sur les relances et permis à la Renault de Fernando Alonso de longtemps résister aux attaques de la Toyota (dépourvue de SREC) de Timo Glock.

Les spectateurs montréalais apprécieraient sûrement. Mais de là à présenter la course au lendemain de l'Halloween, en remplacement du GP d'Abou Dhabi, comme le voulait la rumeur rapportée à RDS, il y a un pas.

Faudrait peut-être se souvenir que lorsque Gilles Villeneuve a remporté le premier Grand Prix disputé à Montréal, le 8 octobre 1978, sa femme Joann et lui portaient des parkas sur le podium! Alors pour le 1er novembre, on repassera... à moins bien sûr que les pilotes puissent se réchauffer en sifflant un magnum de Labatt 50, comme à l'époque de Villeneuve!

Legault, suite et fin

J'ai consacré deux longs textes à Normand Legault au cours des derniers jours. Ses projets futurs sont le seul sujet à propos duquel l'ancien promoteur du GP Canada a entretenu un certain flou artistique.

Legault a récemment vendu à son partenaire International Speedway Corporation ses parts dans Stock-Car Montréal, organisateur de l'escale montréalaise de la série Nationwide du NASCAR, parce qu'il n'est «plus intéressé à être franchisé», dit-il. «Je suis plus intéressé à être un franchiseur. Je voulais me garder disponible pour faire autre chose, tant qu'à ne faire que du NASCAR.»

On l'a approché pour avoir une équipe d'IRL ou de NASCAR et pour qu'il s'implique dans d'autres projets d'«événements motorisés». «Je ne suis pas pressé. L'année 2009 est une année propice pour regarder et voir venir. Je regarde et j'écoute. Je suis avec intérêt l'évolution en F1.» À suivre.