Serge Savard a longtemps voulu acheter le Canadien, mais l'intention affichée de la famille Molson de mettre la main sur le club a refroidi ses ardeurs, au point où il reconnaît désormais être «sur les lignes de côté».

Dans une entrevue exclusive avec La Presse, l'ancien défenseur et directeur général du Tricolore a déclaré mardi que sa «perspective avait changé complètement» avec l'arrivée dans le décor des Molson, qui ont dévoilé publiquement leur désir de faire une offre pour le Canadien «seuls ou avec d'autres partenaires», la semaine dernière.

«On a monté un dossier (pour l'achat du Canadien) et on est prêts, mais la venue des Molson a changé la donne, a dit M. Savard en entrevue téléphonique. J'ai toujours été lié intimement à la famille. Je n'ai pas le goût de me battre contre eux autres et je n'ai pas le goût de me battre pour rien. Je suis sur les lignes de côté.»

Il ne cache pas que des considérations financières ont influencé sa décision. «On a des firmes sérieuses engagées là-dedans, mais on a mis le frein dès la minute où les Molson se sont engagés. Avant d'entrer dans le data room et de dépenser 300 ou 500 000$ pour faire la vérification diligente (des propriétés montréalaises de George Gillett), tu es mieux de t'enligner pour ne pas rentrer dans le mur.»

Savard ne ferme pas définitivement la porte à l'idée d'acheter le club, mais il entend se cantonner dans une position attentiste jusqu'à nouvel ordre. «Je ne dis pas qu'on ferme les livres. Disons qu'on attend le botté d'envoi. Si le receveur échappe le ballon, on ne sait pas ce qui peut se passer. Mais Serge Savard ne se battra pas contre les Molson. Je calcule que je fais pratiquement partie de la famille.»

«Une bonne nouvelle»

Le Sénateur professe beaucoup d'admiration pour Geoffrey, Andrew et Justin, les trois fils d'Eric Molson. Ce dernier vient de tirer sa révérence au conseil d'administration du brasseur Molson Coors, qui détient 19,9% des actions du Canadien. Geoffrey est vice-président au marketing de Molson Canada et siège au CA du Canadien et à celui de Molson Coors, Andrew est vice-président du conseil de Molson Coors et Justin est architecte paysagiste au Vermont.

«Ce sont trois jeunes dynamiques qui prennent le contrôle de la famille, dit Savard. Je les connais depuis mes débuts avec le Canadien. Quand j'étais directeur général du Canadien et quand j'étais joueur, ils patinaient avec mes enfants sur la glace du Forum au party de Noël de l'équipe!»

Il a qualifié la venue des Molson de «bonne nouvelle pour le Canadien». «Pour moi, c'est un choix logique. Ils sont là pour la bonne raison. Ils sont là pour le hockey, pas pour le contenu ou pour ci ou ça», a-t-il dit, dans ce qui ressemble à une flèche à l'endroit de Pierre Karl Péladeau. Le président et chef de la direction de Quebecor ne manque pas une occasion de souligner à quel point le Canadien s'insérerait bien dans la stratégie de convergence de son entreprise.

Si on en juge par les propos qu'il a tenus mardi au Saguenay, M. Péladeau a l'air de sentir le tapis lui glisser sous les pieds. Après avoir déclaré la semaine dernière que l'entrée en scène des Molson ajoutait «de la confusion» au dossier de la vente du Canadien, il a qualifié de «curieux» le fait que Bob Gainey ait nommé Jacques Martin au poste d'entraîneur. «Il aurait pu attendre deux semaines pour que l'on puisse, d'un commun accord, prendre une décision», a-t-il dit.

Serge Savard a refusé de commenter les informations publiées par La Presse, le 22 mai, selon lesquelles l'un de ses partenaires dans le projet d'acquisition du Canadien était BCE, qui détient 15% des parts de CTV GlobeMedia, société mère du télédiffuseur officiel du Canadien, RDS. Par son service Bell TV, BCE est un concurrent direct du câblodistributeur Vidéotron, propriété de Quebecor.

Mais si Savard est sorti de l'équation, il y a tout lieu de croire que BCE s'est rangé dans le camp des Molson, comme une source proche du dossier l'a affirmé à La Presse. Les Molson seraient des alliés en or pour le géant de la téléphonie dans ses efforts en vue de coiffer Quebecor au fil d'arrivée. Du fait de leur présence au conseil d'administration du Canadien, ils entretiennent des liens privilégiés avec le propriétaire George Gillett. «Ils sont déjà dans la boîte», souligne un observateur.

Tout cela suppose bien sûr que George Gillett finira bel et bien par vendre le Canadien. «La dernière fois que j'ai parlé publiquement (en avril), George Gillett n'avait pas encore dit qu'il voulait vendre l'équipe. Et il ne l'a toujours pas dit, note Serge Savard. Il a vérifié l'intérêt pour l'achat. Et de l'intérêt, il y en a.»

- Avec la collaboration de William Leclerc, recherchiste de La Presse