La patineuse de vitesse canadienne Jessica Gregg a surmonté un terrible handicap pour se qualifier pour les Jeux olympiques de Vancouver. Non, la spécialiste de la courte piste n'est pas amputée d'une jambe. Elle ne souffre pas d'une anomalie cardiaque congénitale non plus. C'est bien pire que ça: elle n'est pas québécoise.

Après Alanna Krauss et Amanda Overland, Gregg est devenue en août la troisième patineuse canadienne née ailleurs qu'au Québec à se qualifier pour les Jeux d'hiver depuis les débuts olympiques du courte piste, à Albertville, en 1992. Pour vous donner une idée, pas moins de 12 patineuses québécoises - Sylvie Daigle, Nathalie Lambert, Kalyna Roberge, etc. - ont obtenu des laissez-passer pour les Jeux au cours de la même période.

 

«Le courte piste est populaire en Alberta, comme le longue piste. Le club d'où je viens à Edmonton grandit chaque année. Mais la base est beaucoup plus large au Québec», dit Gregg, qui participe jusqu'à dimanche à la troisième Coupe du monde de la saison, à l'aréna Maurice-Richard (www.coupedu monde2009.com). «Je pense qu'il y a plus de clubs à Montréal que dans tout le reste du Canada! Il y a plus de jeunes patineurs ici, ce qui leur permet de devenir plus compétitifs.»

La mainmise québécoise sur l'équipe olympique n'est pas une affaire strictement féminine: 14 des 17 patineurs canadiens choisis pour représenter le pays aux Jeux d'hiver entre 1992 et 2010 étaient québécois. La liste comprend des multiples médaillés comme Marc Gagnon, Frédéric Blackburn et Éric Bédard.

«Le Québec compte 50% des patineurs au Canada, souligne Yves Hamelin, directeur du programme courte piste à Patinage de vitesse Canada. On a plus de 4000 membres au Québec. Avec une base aussi large, on a pu structurer une pyramide de développement avec des clubs, des centres régionaux, le club Montréal-International et le centre national à Maurice-Richard, en plus d'un réseau de compétition correspondant.»

La montée du courte piste

Il y a 25 ans, à l'époque où Gaétan Boucher a remporté trois médailles, dont deux d'or, aux Jeux d'hiver de 1984, la plupart des patineurs disputaient des épreuves à la fois en longue et en courte piste. Le Québec était alors une superpuissance sur longue piste: les sept patineurs canadiens à Sarajevo venaient de la Belle Province.

Mais avec les Jeux de Calgary et la construction d'un anneau couvert dans la métropole albertaine, le centre de gravité du patinage longue piste s'est déplacé vers l'ouest du pays. Les patineurs québécois, en général peu intéressés à s'expatrier ou à s'entraîner dans les conditions pénibles de l'anneau extérieur Gaétan-Boucher, à Sainte-Foy, se sont tournés en masse vers le courte piste.

«La dernière fois que j'ai fait du longue piste, j'avais 11 ans, je pesais 100 livres mouillée, il grêlait et je portais des lunettes de ski, se souvient en riant la doyenne de l'équipe nationale de courte piste, Tania Vicent. Sur un des côtés de l'anneau, il ventait tellement que je n'avançais pas. Je suis rentrée dans le vestiaire et j'ai dit à ma mère : plus jamais!»

L'introduction du courte piste au programme olympique en 1992 et les succès immédiats des patineurs québécois - trois médailles à Albertville - ont achevé d'établir la suprématie du courte piste au Québec. Et pavé la voie à une récolte de 20 médailles olympiques en 14 ans pour les patineurs de la province.

De bons gènes

Dans ce contexte, il faut des patineurs exceptionnels comme Jessica Gregg pour venir à bout de la domination québécoise. Il faut dire que l'athlète de 21 ans, médaillée d'argent sur 500 m à la Coupe du monde de Pékin, plus tôt cet automne, a de bons gènes. Avant de devenir médecin, son père Randy, un défenseur, a participé aux JO de Lake Placid et de Calgary et faisait partie de la dynastie des Oilers d'Edmonton, gagnants cinq fois de la Coupe Stanley. Quant à sa mère, Kathy Vogt, elle a représenté le Canada en patinage de vitesse aux Jeux d'Innsbruck et de Lake Placid.

«On a commencé à patiner sur la patinoire dans notre cour dès qu'on a appris à marcher, a dit Gregg, qui a fini troisième sur 500 m au championnat du monde 2009. Notre mère était entraîneuse au club de patinage de vitesse d'Edmonton et m'a inscrite quand j'avais 5 ans. J'ai aimé ça tout de suite et je n'ai jamais arrêté.»

Normalement installée à Calgary, elle s'est installée à Montréal il y a trois semaines et y passera l'essentiel de son temps d'ici les Jeux de Vancouver. Une sage décision pour faire progresser l'équipe de relais, dont la cohésion laissait à désirer lors des deux premières Coupes du monde de la saison, en Asie. «Ce qui fait le succès des relais, c'est de pouvoir s'entraîner ensemble. Les quelques semaines que j'ai passées ici ont déjà permis beaucoup d'amélioration», dit Gregg, dont les partenaires sont Vicent, Kalyna Roberge, Marianne St-Gelais et Valérie Maltais.

On aura un premier aperçu de ces progrès avec la présentation du relais, dimanche, en clôture d'une compétition qui promet d'être particulièrement relevée, à une centaine de jours des Jeux. Belle sortie de week-end pour les amateurs de sport.

Allez-y, ça vous changera du CH...