La nuit était déjà avancée après le gala de boxe de vendredi dernier, au Centre Bell, et Stéphan Larouche soupait avec sa gang habituelle chez Jarry Smoked Meat, dans le nord de la ville. Entouré de collègues et amis, il digérait tranquillement le retour victorieux d'Éric Lucas et la défaite crève-coeur d'Adrian Diaconu contre Jean Pascal quand soudain, son téléphone a sonné.

Au bout du fil, son frère Alain. Et une bien mauvaise nouvelle, la pire imaginable: leur père Clermont, un grand fan de Lucas, venait de mourir subitement, victime d'un arrêt cardiaque foudroyant à Saguenay, juste après avoir regardé le gala à la télévision. Il avait 70 ans.

Quand Stéphan Larouche était enfant à Jonquière, c'est sa mère, décédée il y a trois ans, qui allait acheter le journal à la tabagie du coin pour que son garçon puisse connaître les résultats des combats de Gaétan Hart et de Mario Cusson. Mais le premier contact avec la boxe du futur entraîneur de Lucas et de Lucian Bute, il l'avait eu grâce à son père.

«Il m'avait amené chez mon oncle pour regarder le combat entre Muhammad Ali et Leon Spinks», m'a raconté Larouche quand je l'ai joint au téléphone, hier. Je n'ai pas eu la présence d'esprit de lui demander si c'était la victoire de Spinks en février 1978 - le combat de l'année de Ring Magazine - ou celle d'Ali en match revanche, sept mois plus tard. Dans le fond, ce n'était pas très important.

Sans ce premier contact avec la boxe, Larouche, plus tard inspiré par Fernand Marcotte, puis par Sugar Ray Leonard, ne se serait peut-être pas lancé dans une modeste carrière de boxeur amateur. Il n'aurait sans doute pas croisé le chemin de Stéphane Ouellet au Club de boxe olympique de Jonquière, à la fin des années 80. Et il ne serait peut-être pas devenu ce qu'il est aujourd'hui: un des meilleurs entraîneurs de l'histoire de la boxe québécoise, le seul à pouvoir revendiquer trois champions: Lucas, Bute et Leonard Dorin.

Clermont Larouche était au Centre Bell le soir de juillet 2001 où Éric Lucas a passé le K.-O. à Glenn Catley et a gagné sa ceinture du WBC. Il était aussi là pour voir Lucian Bute chiper le titre des super-moyens de l'IBF à Alejandro Berrio, il y a deux ans. Un détail qui compte, aux yeux de Larouche. «Il était présent les deux fois où l'un de mes gars est devenu champion du monde à Montréal.»

Victime d'un infarctus il y a deux ans, Clermont Larouche avait subi un quadruple pontage et semblait s'être bien remis. Jusqu'à vendredi passé. Après le départ d'Alain, qui avait regardé la soirée de boxe avec lui, il s'est senti mal. Il a pris une nitro et est allé démarrer la voiture, pendant que sa nouvelle conjointe s'habillait pour aller le conduire à l'hôpital. Quand elle a ouvert la portière, elle l'a trouvé effondré sur le siège. Il n'avait plus de pouls.

Il était trois heures moins quart quand Larouche a reçu l'appel de son frère. «On était une dizaine à table. On parlait de la défaite de Diaconu et du retour d'Éric. Mettons que l'appel a conclu la soirée.»

Larouche est parti pour Jonquière dimanche, les funérailles ont eu lieu mardi et il est rentré à Montréal mercredi soir.

Aujourd'hui, il lui reste ses souvenirs. «Mon père était un gars de nature, un pêcheur et un trappeur. Il a passé sa vie dans le bois et il faisait de la motoneige. Il était passionné par ça. Quand on était jeunes, mon frère et moi, il aurait bien voulu nous transmettre sa passion. Il n'a pas réussi, mais il a su nous faire comprendre l'importance d'avoir une passion.»

Pour Stéphan Larouche, cette passion a été la boxe et surtout, la passion de l'enseigner. Il y a bien des boxeurs qui peuvent dire merci à Clermont Larouche.