Plutôt ennuyeux le débat McCain-Obama mais fort instructif sur la personnalité des deux hommes.

McCain radotait sur son expérience. Pas une fois, il n'a regardé son adversaire. Il préférait contempler ses notes, affichant souvent une sorte de sourire méprisant en forme de rictus.

Sur le fond, McCain s'est avéré encore plus va-t-en-guerre que le George W. Bush assagi du second mandat: à l'entendre, c'est sans trop d'états d'âme qu'il bombarderait l'Iran ou la Corée et s'engagerait dans un conflit ouvert avec la Russie.

Autant McCain avait l'air plus vieux que son âge, autant Obama avait l'air plus jeune que son âge. Maigrichon (il fait campagne depuis tellement longtemps qu'il a perdu du poids), un peu gauche, il ressemblait à un petit garçon bien élevé qui a peur de manquer de respect à son aîné. À moins que cela ne trahisse un manque inquiétant de combativité. Même quand McCain l'insultait en l'accusant sans cesse d'être naïf et de ne pas comprendre ceci ou cela, Obama n'avait rien à répliquer. Il se laissait manger la laine sur le dos et se contentait de réitérer poliment ses positions, en termes abstraits, sans une once de passion. Ce n'est que sur l'Irak qu'il a laissé voir quelque pugnacité: «Vous aviez tort», a-t-il martelé.

McCain avait de l'autorité mais il disait n'importe quoi. Obama avait un discours plus substantiel mais il manquait de prestance, j'oserais presque dire d'épine dorsale.

Il reste que sa courtoisie, qui contrastait avec la brutalité de McCain, semble l'avoir servi, puisque les sondages montrent que la majorité des Américains estiment que c'est lui qui a «gagné» le débat.

Ce verdict, toutefois, tient peut-être moins au débat qu'à ce qui l'a précédé.

La pantalonnade à laquelle s'est livré John McCain, à une heure si grave pour l'économie américaine, lui a sérieusement nui. Les Américains ont vite vu à travers cette tactique honteuse par laquelle le candidat républicain a tenté de relancer sa campagne, en faisant croire qu'il la «suspendait» pour aller régler l'imbroglio dû à la crise financière.

En fait, la présence de McCain autour de la table où le président Bush avait convié les principaux décideurs n'a fait qu'envenimer les choses. Il a fait dérailler l'entente de principe qui avait déjà été conclue entre les deux partis - en tout cas, sa présence n'a rien fait pour activer un règlement.

D'ailleurs, que pouvait-il bien apporter au débat? Deux jours avant qu'il ne décrète soudainement que les États-Unis faisaient face à la crise la plus grave depuis 1929, il en minimisait l'ampleur en affirmant que l'économie américaine était «fondamentalement forte», et la veille de son coup de tête du mercredi, il ne s'était même pas donné la peine de lire les deux pages et demie du résumé du projet Paulsen qui était sur l'internet depuis trois jours!

Ce n'est pas la première fois que John McCain fait un coup de théâtre pour relever une campagne défaillante. En 2004, alors qu'il sollicitait l'investiture républicaine, il avait interrompu inopinément sa campagne sous prétexte que des soldats américains avaient été victimes de bombardements serbes au Kosovo.

Idem cette année, alors que McCain a annulé sans crier gare la première journée de la convention républicaine, sous prétexte que la Louisiane était victime d'un ouragan geste mélodramatique qui n'a pas empêché les éléments de se déchaîner!

Tout cela donne l'image d'un leader instable, imprévisible et casse-cou, prêt à tout pour sauver sa carrière, même - comme ce fut le cas ces jours derniers - à exploiter une crise nationale à ses fins personnelles.

Car enfin, qu'est-ce que cette idée qui voudrait qu'un leader doive se consacrer exclusivement à la catastrophe du jour? Comme l'a rappelé sagement Obama, le président des États-Unis est censé être capable de faire plus d'une chose à la fois!

Pour l'instant, McCain a de quoi s'inquiéter. Sa recrue alaskienne, l'inepte Sarah Palin, fait chaque jour la preuve de son ignorance crasse, et le bref moment d'engouement qu'avait suscité l'apparition de l'ancienne reine de beauté commence à faire place à une inquiétude sérieuse: car voter McCain, c'est voter pour la possibilité, hélas bien réelle, que cette femme devienne présidente des États-Unis.