Jean Charest a tort de rejeter sur le PQ la responsabilité de tout ce qui va mal dans le système de santé, alors qu'il est aux commandes depuis près de six ans. Son gouvernement n'a même pas été capable de piloter le projet de construction du CHUM!

Il reste que la responsabilité du PQ - et de Pauline Marois elle-même - est incontestable dans le domaine crucial des effectifs médicaux et infirmiers.

 

La décision de mettre à la retraite des milliers de professionnels du réseau de la santé a été prise alors que son prédécesseur Jean Rochon était en fonction, mais Mme Marois a ensuite pris le relais. Or, contrairement à ce qu'elle affirme aujourd'hui, cette opération dévastatrice n'était absolument pas nécessaire pour éliminer le déficit.

Reportons-nous à l'époque. Le premier ministre Lucien Bouchard a lancé la lutte contre le déficit. Pour ce faire, il a besoin de l'appui des syndicats. Lesquels, bien sûr, vont négocier leur soutien. Tout comme d'ailleurs les fédérations de médecins, qui préféreront se faire offrir des mises à la retraite dorées plutôt que d'accepter de rogner sur leur rémunération.

Au départ, il n'était pas question d'offrir aux professionnels de la santé ces «golden handshakes». Le ministre Rochon y était opposé et souhaitait que l'opération «dégraissage» de la fonction publique épargne le secteur de la santé. C'était compter sans Gérald Larose, alors président de la CSN, qui avait ses entrées auprès de M. Bouchard. M. Larose tenait mordicus à ce que les syndiqués de la santé puissent se prévaloir des mêmes offres. Et M. Bouchard a cédé, provoquant du coup la terrible hémorragie dont l'on souffre encore aujourd'hui.

Telle est l'histoire peu glorieuse d'une décision dont Mme Marois tente aujourd'hui de faire croire qu'il s'agissait d'une chirurgie inévitable.

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Sa responsabilité personnelle était mitigée puisqu'elle n'a fait qu'hériter de ce dossier. En fait, elle n'avait même pas besoin de s'exclamer «si c'était à refaire, je le referais» (pour ensuite se contredire le lendemain), car elle n'était pas à l'origine de cette décision.

Mais elle a participé avec zèle à l'opération, si l'on en juge par les révélations de Jacques-A. Plamondon, l'ancien recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui a raconté mercredi dans La Presse la rencontre survenue le 21 novembre 1997 entre les recteurs et Mme Marois, alors ministre de l'Éducation.

«Au grand étonnement des recteurs, écrit-il, Mme la ministre ouvre la séance en affirmant qu'il y a trop d'infirmières au Québec, et qu'en conséquence, elle demande aux universités qui offrent des programmes de formation initiale en nursing d'en fermer les admissions. Le président de la Conférence des recteurs lui fait observer que cette mesure aurait un coût élevé pour les universités, et rappelle qu'en vertu de leur autonomie, elles demeurent responsables du contingentement.»

La ministre réplique en disant qu'elle n'hésitera pas à utiliser son droit d'intervention pour bloquer l'accès au marché du travail des nouvelles bachelières en nursing. «Les universités n'avaient plus le choix, poursuit M. Plamondon, elles devaient obtempérer, même si elles jugeaient qu'il y avait là abus de pouvoir.»

Les étudiantes qui, à l'époque, auraient pu être admises dans l'un des quatre programmes de nursing universitaires, loin d'avoir 70 ans comme l'affirme Mme Marois à propos des infirmières prématurément retraitées, seraient aujourd'hui dans la trentaine! Cela ferait autant d'infirmières spécialisées de plus.

M. Plamondon affirme qu'une fois passée au ministère de la Santé, Mme Marois avait «lancé un cri d'alarme sur la pénurie d'infirmières, démontrant que les périls que faisait courir au système de santé la politique malheureuse de tarir le bassin de ressources était connu du ministère». Pourtant, quelque temps plus tard, alors qu'elle se trouvait ministre des Finances, Mme Marois allait refuser aux universités les fonds nécessaires pour réactiver la formation en sciences infirmières.

À cette charge, Mme Marois a répondu qu'elle n'avait fait que se plier à une recommandation de l'Ordre des infirmières, qui estimait qu'il y avait un surplus d'infirmières. L'explication tient mal, car l'Ordre, dans son avis de l'époque, précisait que c'étaient les infirmières formées au cégep qui étaient en surplus, non pas celles avec une formation universitaire.