Le nouveau Conseil des ministres ressemble au style de gouvernement de Jean Charest: stabilité et économie avant tout... et la récupération de symboles creux, comme cette parité homme-femme censée donner un vernis d'originalité à l'édifice.

Dans la députation libérale, il y a 44 hommes et 22 femmes. Cela veut dire qu'un homme a deux fois moins de chances d'accéder au Conseil des ministres, en vertu d'une règle obtuse qui n'a rien à voir avec le mérite et la compétence.

 

Quand donc les décideurs comprendront-ils qu'il n'y a rien de plus insultant pour les femmes que de se voir accorder un poste pour la simple raison qu'elles sont des femmes? C'est de la pure condescendance.

Il se trouve que les meilleurs ministres de ce gouvernement - Monique Jérome-Forget et Michelle Courchesne - sont des femmes, et que Kathleen Weil (Justice) est une nouvelle recrue dont le parcours est étincelant à plus d'un titre. Bravo pour ces trois-là. Mais pour ce qui est du reste, combien de nouvelles ministres doivent-elles leur nomination au fait qu'elles portent une jupe? Combien de députés masculins compétents ont-ils été laissés sur les tablettes pour la simple raison qu'ils se font la barbe le matin?

À l'heure où la majorité des diplômés universitaires sont des femmes, à l'heure où nombre de femmes occupent des postes-clés dans tous les domaines, la politique de discrimination positive (une notion des années 80) au niveau d'un Conseil des ministres est parfaitement superflue.

Les femmes instruites de la classe moyenne n'ont pas besoin d'encouragements artificiels pour faire leur chemin ou pour trouver des «role models» inspirants. Ce sont les femmes au bas de l'échelle qui ont besoin d'aide. Et aussi les garçons, dont une effroyable proportion «décroche» de l'école.

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Deux gros couacs, dans ce flot de nominations sans grande surprise.

Le premier ministre a ramené Pierre Corbeil au cabinet comme responsable des affaires autochtones. Outre que l'ancien ministre Geoffrey Kelley aurait été beaucoup plus qualifié pour cette fonction, M. Corbeil se trouve en plein conflit d'intérêts, pour s'être recyclé après sa défaite de 2007 dans l'industrie minière... qu'il avait supervisée à titre de ministre des Ressources naturelles. Voilà le type même du conflit d'intérêt interdit par les règles d'éthique parlementaires.

M. Corbeil s'occupera des relations avec les autochtones, une responsabilité indirectement liée aux Ressources naturelles. Et il pourrait être amené à seconder le ministre en titre, Claude Béchard, qui relève d'un cancer. Cerise sur le gâteau, les chefs autochtones ne veulent pas avoir affaire à M. Corbeil!

Autre couac, la nomination de Monique Gagnon-Tremblay au Conseil du Trésor. Mme Gagnon-Tremblay a eu, au sein des gouvernements Bourassa et Charest, une longévité politique inversement proportionnelle à sa stature intellectuelle. Son dernier mandat, aux Affaires internationales, a été particulièrement médiocre. Or, le Conseil du Trésor n'est pas une sinécure. C'est un poste crucial, qui donne à son titulaire un ascendant extraordinaire sur ses collègues parce qu'il est celui qui répartit les fonds entre les ministères. Mais il semble que l'indéfectible loyauté de Mme Gagnon-Tremblay à sa personne ait pesé plus lourd pour M. Charest que toute autre considération.

Au moins les Relations internationales connaîtront-elles une nouvelle vigueur, avec l'arrivée de l'homme d'affaires Pierre Arcand qui aura la charge du seul dossier innovateur de ce gouvernement bien tranquille, soit les accords de libre-échange avec la France et l'Europe.

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DU JOVIALISME À L'ALARMISME... Tel semble être le credo économique de Stephen Harper. Qu'on en juge...

Le 11 octobre: «Loin de s'acheminer vers une récession, le Canada est le pays entre tous dont l'économie va continuer à connaître une certaine croissance.»

Le 15 décembre: «Je n'ai jamais vu autant d'incertitude quant à l'avenir, je suis très inquiet de l'état de l'économie canadienne.»

Et son fidèle porte-voix, le ministre Flaherty, de renchérir: lui qui prédisait, le 27 novembre, une «faible croissance», prévoit maintenant une «dépression» pure et simple pour l'an prochain!

Les deux hommes ont fait volte-face à la suite des menaces de la «coalition». Mais aujourd'hui ils exagèrent dans le sens inverse, au risque d'affoler inutilement les citoyens. Entre le jovialisme et l'alarmisme, il y a le juste milieu. In medio stat virtus...