Et après? Où donc mènera la guerre de Gaza? À un moment donné, il y aura un cessez-le-feu. Au moins la mort cessera-t-elle de faucher cette terre ensanglantée. Oui, mais après? À quand la solution politique qui seule pourrait amener une sorte de paix au Proche-Orient?

La solution politique, on le sait, passe notamment par la rétrocession de la Cisjordanie aux Palestiniens. Ce qui, une fois cette région reliée à Gaza par la route, donnerait à ces derniers un État viable. (Il y a d'autres contentieux, mais dans un contexte apaisé, bien des compromis seraient possibles.)

Hélas, les bombardements israéliens vont radicaliser l'opinion palestinienne et fournir au Hamas l'auréole du martyr. Par ailleurs, en intensifiant ses tirs de roquettes malgré qu'Israël se fut retiré de la bande de Gaza en 2005, le Hamas a compromis pour très longtemps toute possibilité de voir Israël se retirer de la Cisjordanie.

En effet, cela a fait éclater le consensus qui ralliait depuis longtemps les Israéliens modérés. Un consensus qui tenait en trois mots: «Land for Peace». Autrement dit, on était prêt à échanger les territoires occupés depuis 1967 contre l'assurance de pouvoir vivre en paix. Même un faucon comme Ariel Sharon s'était converti à l'idée de renoncer aux territoires occupés. Seule la droite religieuse extrémiste s'y opposait.

Le modèle, si l'on peut dire, avait été la remise du Sinaï à l'Égypte, en 1979. Les deux parties avaient respecté leurs engagements.

Mais quand Israël s'est retiré du Liban, en 1982, loin de lui apporter la paix, cela n'a fait que pousser le Hezbollah à intensifier ses attaques (ce qui a mené à l'offensive israélienne de 2006). Dans la bande de Gaza, le retrait a été suivi d'une plongée dans la violence - guerre fratricide entre le Hamas et le Fatah, intensification des tirs de missile sur Israël... (Il y a ici un terrible fossé culturel. Pour Israël, dont les valeurs sont occidentales, un retrait est signe de bonne volonté. Pour les intégristes islamistes, c'est un signe de faiblesse. D'où leur refus du concept même de compromis.)

Résultat: il y a actuellement une majorité d'Israéliens, y compris des intellectuels qui avaient consacré leur vie à la recherche de la paix, qui ont décroché du rêve d'échanger des territoires pour la paix.

Gaza devait être le laboratoire. Le test qui dirait si un État palestinien relativement autonome pouvait devenir un voisin paisible. Cela aurait été possible. Les colons israéliens avaient laissé des serres prospères, des terres irriguées et productives. La communauté internationale et la diaspora palestinienne n'attendaient que l'occasion d'investir des millions dans le nouvel État. Les Palestiniens ont très souvent fait la preuve, partout dans le monde, qu'ils peuvent être des gens éduqués et entreprenants. Face à un gouvernement gazaoui responsable, Israël et l'Égypte auraient fini par rouvrir leurs frontières. Hélas, la bande de Gaza, tombée aux mains du Hamas, est devenue une rampe de lancement contre l'État hébreu.

Risquer la même chose en Cisjordanie? C'était, il y a peu, un «beau risque»... qui est maintenant, pour une majorité d'Israéliens, impossible à envisager. La Cisjordanie est deux fois plus grande que la bande de Gaza, et elle est située au coeur névralgique de l'État hébreu. Nombre d'attentats sont déjà partis de là, et cette région reste un bouillon de culture pour l'islamisme radical. Le fait qu'elle soit sous le contrôle de Mahmoud Abbas, un leader modéré, n'offre pas de garantie solide, car l'Autorité palestinienne est un gouvernement faible qui pourrait fort bien être renversé par des éléments extrémistes. (C'est en partie parce que le Fatah de Yasser Arafat, dont Abbas a hérité, était corrompu jusqu'à l'os que les Gazaouis ont élu le Hamas qui, parallèlement à ses activités terroristes, s'était implanté dans la population par des organisations caritatives.)

Les Israéliens, de nouveau sur un pied de guerre, pourraient bien redonner le pouvoir, le mois prochain, au chef de la droite, Benyamin Nétanyahou. Ce dernier ne voudra jamais renoncer à la Cisjordanie, tandis que les Palestiniens, éprouvés par les ravages de la guerre, auront tendance à resserrer les rangs autour de leurs leaders les plus radicaux.

Land for Peace? Un «beau risque» qui s'éloigne...