Caroline Kennedy, Rachida Dati, Yama Rade... Voici trois femmes dont le point commun est d'avoir été propulsées vers les sommets pour de mauvaises raisons: non pour leurs qualifications, mais pour ce qu'elles représentaient. Dans les trois cas, l'affaire a mal tourné.

Jamais personne n'aurait pensé à proposer la candidature de Caroline Kennedy, qui ne s'était jamais occupée d'affaires publiques, au poste de sénateur de New York, si elle n'avait été la fille de John F. Kennedy.

Le clan Kennedy l'a poussée à l'avant-scène par vanité dynastique, pour assurer la «succession» de son oncle atteint d'un cancer. Mme Kennedy crut d'abord qu'elle serait sélectionnée par la seule vertu de son patronyme prestigieux, sans avoir à dévoiler quoi que ce soit sur sa fortune (considérable), sans même avoir à donner d'interview aux médias. Ces visées impériales ont fait long feu. Sous la pression, Caroline Kennedy a fini par accepter de se présenter au public. Le résultat fut pitoyable. Non seulement n'avait-elle pas grand-chose à dire, mais elle s'exprimait mal.

Elle a finalement retiré sa candidature.

Le cas de Rachida Dati est plus tragique. Nicolas Sarkozy avait fait de cette avocate d'origine maghrébine le symbole de la promotion des minorités, en la nommant à la Justice. Lui confier ce ministère régalien avait valeur de symbole. Hélas! Mme Dati n'a pas été à la hauteur de la tâche, ou alors, les honneurs lui sont montés à la tête et ont accentué son caractère cassant et égocentrique.

Son passage à la Justice fut un désastre. De «chouchou» du président, elle devint celle dont il fallait se débarrasser. Elle a essayé de s'agripper, au point de se présenter en talons aiguilles à la rentrée politique cinq jours après avoir accouché, à 43 ans, d'un premier bébé par césarienne. Le couperet est tombé quand même. Elle a fini par se résoudre, la semaine dernière, à quitter la grande scène par une porte de côté - elle sera deuxième, même pas première, sur la liste UMP (Union pour un Mouvement populaire) aux élections européennes, en route vers un parlement d'importance secondaire.

Le cas de Rama Yade, qui «représentait» la minorité noire, est moins spectaculaire, ne serait-ce que parce qu'elle a hérité de responsabilités beaucoup moins lourdes, n'étant que secrétaire d'État aux droits de l'homme, sous la tutelle du ministre Bernard Kouchner. Mais à elle aussi, le président Sarkozy, déçu par la performance de sa protégée, a proposé (en vain jusqu'à présent) une carrière «européenne».

Mme Yade n'était pas une incompétente, pas plus d'ailleurs que Mme Dati, et les deux femmes sont en outre fort populaires dans l'opinion publique. Mais nul n'ignore que si elles n'avaient été de vivants symboles de deux grandes minorités visibles, elles ne seraient pas montées aussi haut, aussi vite.

Résultat: le gouvernement français reviendra bientôt à la blancheur qui le caractérise depuis toujours, avec un unique député noir (sur quelque 400), et un nombre infime de Maghrébins élus ou nommés à l'un ou l'autre des milliers de postes d'autorité dans la structure politique.

C'est un contraste saisissant avec ce qui se passe aux États-Unis, où les minorités visibles sont depuis longtemps acceptées dans l'aire politique - et ce, bien avant l'ascension d'Obama. Sous la présidence de George W. Bush, le poste le plus prestigieux de l'administration, le secrétariat d'État, est successivement allé à deux Noirs, Colin Powell et Condoleezza Rice. C'étaient des nominations «au mérite»: tant le général Powell que Mme Rice avaient fait leurs preuves bien avant leur nomination, le premier dans les forces armées, la seconde dans le monde universitaire.

Morale: c'est en reconnaissant la compétence, pas en lançant de la poudre aux yeux, qu'on fait avancer les choses.