Saluons la placidité des Québécois, face à cette campagne idiote d'un groupe d'athées qui a parasité des autobus pour annoncer au bon peuple que «Dieu n'existe probablement pas» (sic).

Dieu (oups!) sait pourquoi, cette campagne née en Grande-Bretagne a déclenché des polémiques féroces ici et là. Mais selon un sondage, 48% des Québécois ont accueilli cette initiative dans l'indifférence, une minorité de 17% seulement l'approuvant. L'accueil a été à peu près semblable au Canada anglais.

 

Bien que je sois ce qu'on appelle une agnostique, je me serais rangée parmi les 30% de gens qui ont exprimé leur opposition à ce message. Pour plusieurs raisons.

Primo, les autobus municipaux sont un service public, et à ce titre, ne devraient jamais servir de véhicule à quelque propagande politique ou idéologique que ce soit. Montréal aurait dû suivre l'exemple de Vancouver, qui a refusé d'autoriser cette provocation infantile.

Secundo, l'idée même de débattre de l'existence de Dieu à coup de slogans simplistes est absolument détestable parce qu'elle réduit, ratatine et banalise une question complexe et insondable qui relève du plus profond de la vie intérieure.

Tertio, c'est manquer de respect et de compassion envers les croyants que de claironner d'autorité que Dieu n'existe pas. Il y a beaucoup de gens - souvent des gens particulièrement vulnérables - qui croient qu'il y a un sens à leurs épreuves ou à leur vie de misère, et qu'elles trouveront compensation dans l'au-delà. Je suis loin d'être sûre qu'ils aient raison, mais je trouve prétentieux et méchant que certains s'acharnent à détruire leurs illusions et à les priver du réconfort de la foi.

Quatrièmement, le slogan est d'une pauvreté intellectuelle consternante. D'abord, ces soi-disant athées n'ont même pas le courage de dire carrément que Dieu «n'existe pas», ils rajoutent un bémol («probablement»)... mais c'est sans doute un calcul pour amadouer les municipalités, qu'un slogan plus radical aurait rebutées.

La suite n'est pas plus inspirée. Après avoir proclamé d'autorité la non-existence de Dieu, on conclut ainsi: «Alors, cessez de vous inquiéter et profitez de la vie.» Qu'est-ce à dire? Que les croyants sont des gens inquiets? Allons donc! Il n'y a pas d'endroits plus sereins que les monastères. Et c'est dans les oeuvres des écrivains et des penseurs athées que l'on trouve le plus fort coefficient d'angoisse et d'inquiétude existentielles. S'agit-il de dire que les croyants ne savent pas «profiter de la vie»? Ou encore, proposition plus dangereuse, que l'on peut se permettre n'importe quoi, étant donné qu'il n'y aura pas de punition ni de damnation?

Cinquièmement, les athées, par définition, ne devraient pas être des militants, et ne devraient surtout pas jouer les prédicateurs, à l'image des curés, des imams et des rabbins qu'ils dénoncent. S'ils croient vraiment que les religions sont globalement nocives (je ne leur donnerais pas entièrement tort sur ce point), ils devraient être les premiers à s'abstenir d'essayer d'embrigader les autres dans des chapelles, des sectes ou des églises. L'athéisme est une position individuelle, qu'on assume dans la solitude. Un collectif d'athées, c'est un non-sens: quel rituel, quel idéal, quelle morale commune pourraient bien en ressortir?

Je préfère quant à moi la position moins tranchée et plus nuancée de l'agnostique, qui a l'humilité d'admettre que cette question de Dieu (ou d'un ordre supérieur quelconque) dépasse les confins du cerveau humain. En l'absence de preuve dans un sens ou dans l'autre, l'agnostique se contente de douter. Ce scepticisme de bon aloi mène à la tolérance envers les croyances des autres.