Le hockey ne m'a jamais intéressée. J'ai déjà croisé Guy Lafleur dans une salle d'attente sans même savoir qui était ce grand bonhomme que tout le monde semblait connaître. Alors on ne m'accusera pas de parti pris si je dis que je trouve odieux le traitement fait à cet homme dont le seul crime est d'avoir tout fait pour rescaper un enfant que bien d'autres pères, à sa place, auraient laissé tomber.

Je lisais, mardi dernier, le cri du coeur que cette affaire a inspiré à Réjean Tremblay, et je me disais que oui, sur ce sujet, c'est Réjean qui a raison, parce qu'il parle le langage du coeur et surtout le langage du bon sens, au lieu de s'enfarger dans les arguties juridiques et les avocasseries.

 

L'ancien hockeyeur, on le sait, a été jugé coupable d'avoir «menti» à la cour, parce qu'il a omis de préciser que son fils, dont il s'était porté garant pour lui éviter la prison, avait passé deux nuits à l'hôtel avec sa nouvelle copine. Cette complicité paternelle, pour assurer à ce garçon un peu d'intimité, pour lui permettre peut-être de consolider une relation susceptible de s'avérer bienfaisante et de le sortir de la délinquance, me semble parfaitement normale, en tout cas bien compréhensible.

Ce qui ne l'est pas, c'est le zèle indu de la police qui, au lieu de s'occuper des vrais dangers qui menacent la société, a passé des heures à monter une preuve à coup de factures d'hôtel, et qui a lancé contre lui un mandat d'arrêt comme si Lafleur était un gangster sur le point de prendre la poudre d'escampette. C'est la mentalité obtuse de la cour qui a rejeté son explication, pourtant fort sensée: «L'important, c'était que (mon fils) respecte son nouveau couvre-feu et qu'il ne consomme pas.» Cet hôtel était en quelque sorte le prolongement de la maison, ces deux échappées étant encadrées par la famille. À qui ont-elles nui? Y a-t-il eu agression? Dommage à la propriété? Passage de drogue? Non. Où est le crime?

Il y a des gens qui disent que le juge n'avait pas le choix. Foutaise. On peut choisir entre l'esprit de la loi et la lettre de la loi. Le mensonge par omission de Lafleur était une vétille à côté des horribles fables qu'on entend dans les tribunaux.

Il y a des gens qui disent que Lafleur ne devait pas avoir un traitement de faveur. Certes, mais là n'est pas le problème, puisque c'est le contraire qui s'est produit! La police aurait-elle mis tant de zèle à le traquer s'il s'était agi d'une famille obscure? Le juge se serait-il senti obligé de prendre la loi au pied de la lettre, si le «coupable» avait été un pauvre inconnu, dans un procès non médiatisé? Guy Lafleur, à 57 ans, avait un passé sans tache. Il passera le reste de ses jours avec un casier judiciaire qu'il ne mérite pas et qui l'empêchera de garder un emploi qui le force à voyager aux États-Unis. Et cela, dans un système judiciaire qui vient d'éviter la prison à un homme qui a agressé une inconnue dans le métro en lui fracassant le crâne et la rouant de coups; deux mois de coma, des handicaps lourds... une vie détruite, et pas de punition!

Et Lafleur, lui, est puni parce qu'il s'est acharné à aider son fils? Comme l'écrit Réjean Tremblay, «il l'aurait flanqué à la porte à coups de pied dans le cul en disant à la société de s'en occuper qu'il n'aurait pas de casier judiciaire et ne verrait pas sa réputation salie à la grandeur de l'Amérique». Bien dit.