Le Dr George Tiller a été abattu dimanche matin devant une église du Kansas par un militant du mouvement pro-vie. Le médecin, depuis longtemps la cible de menaces, avait été blessé par un tir de balles en 1993.

Ce médecin se spécialisait dans les avortements tardifs, au-delà de la 24e semaine de grossesse, soit au stade où le foetus serait viable en dehors du corps de la mère - au stade où il a tout d'un bébé.

 

Il n'y a que trois cliniques aux États-Unis qui pratiquent de tels avortements. C'est là que vont les très rares Québécoises qui requièrent ce genre d'intervention. Une intervention, notons-le bien, que la presque totalité des médecins et des infirmières se refusent à pratiquer, et pour cause. On est ici à la frontière de l'infanticide, et l'on se demande par quelle inconscience certaines femmes peuvent retarder à ce point leur décision. (Les avortements thérapeutiques, motivés par une malformation congénitale, se font avant la 22e semaine.)

Même Henry Morgentaler, à qui les Canadiennes doivent d'avoir triomphé de l'esclavage de la maternité imposée, se refusait, dans ses cliniques, à pratiquer des avortements au-delà de 16 semaines. Il recommandait à ces femmes de mener leur grossesse à terme et de donner leur enfant en adoption.

Bien sûr, ce n'est pas parce que le métier du Dr Tiller tenait de la boucherie qu'il méritait d'être assassiné. Cet horrible incident, qui d'ailleurs s'ajoute à bien d'autres attentats, montre jusqu'à quels excès de fanatisme certains militants pro-vie sont prêts à aller. Le meurtrier, qui a d'ailleurs été arrêté, paiera de sa liberté ce meurtre, odieux comme tous les meurtres. Il reste que l'avortement ultratardif, passé le seuil de viabilité autonome du foetus, constitue une sale vitrine pour les partisans du libre-choix, et une vitrine trompeuse de surcroît, car la plupart des avortements (de 85 à 90%) sont effectués au cours des 12 premières semaines.

L'assassinat du Dr Tiller fait resurgir la question de l'avortement, qui est toujours, hélas! d'une brûlante actualité dans la politique américaine. Tous les yeux seront désormais tournés vers la juge Sonia Sotomayor, que le président Obama vient de nommer à la Cour suprême, mais qui devra d'abord passer par l'épreuve d'un comité sénatorial. La juge Sotomayor part gagnante parce qu'elle est la première personnalité hispanophone - et la seconde femme - à accéder à la Cour suprême, mais comme elle n'a jamais statué, jusqu'ici, dans une cause portant sur l'avortement, c'est probablement sa position sur l'avortement qui sera au centre des interrogations des sénateurs conservateurs.

Pour les opposants à l'avortement, cette nomination est cruciale... et ils semblent avoir l'opinion publique de leur côté; selon un récent sondage Gallup, 51% des Américains seraient contre l'avortement, et seulement 42% en faveur. La formulation de la question est absurde, cependant. Qui donc est «pour» l'avortement? Ce n'est pas sans raison que le mouvement «pro-choix» a mis l'accent sur le libre choix de la femme plutôt que sur l'IVG elle-même: effectivement, l'avortement est une solution de dernier recours.

Une solution pour laquelle la fille de Sarah Palin, la catastrophe ambulante que John McCain avait choisie comme colistière, aurait certainement dû opter, au lieu de se retrouver, à 17 ans, mère d'un enfant non voulu, plaquée par son petit ami et forcée d'arrêter ses études. La pauvre enfant fait actuellement des tournées pour recommander aux jeunes l'abstinence (qu'elle-même n'a pas pu pratiquer!) tout en vantant les joies de la maternité... Un fouillis de contradictions et une jeune vie gâchée parce que sa mère refusait le principe même de la contraception! L'entêtement idéologique de ces intégristes républicains, outre qu'il est parfaitement utopique, est presque criminel...