Pour une fois qu'une personnalité politique de premier plan est prête à se consacrer corps et âme à la métropole oubliée, on ne va pas faire la fine bouche. Le débarquement de Louise Harel sur la scène montréalaise est une très bonne nouvelle, et il faut espérer que d'autres personnalités d'envergure, de quelque horizon politique soient-elles, fassent de même.

Le fait que l'ancienne ministre péquiste atterrisse à Vision Montréal n'a rien de trop étonnant. C'est le parti de Pierre Bourque, l'ancien maire qui fut son mentor et son complice lors de l'opération «fusion». C'est aussi le parti où plusieurs apparatchiks péquistes ont fait leur nid, après avoir été laissés en rade quand le PQ a perdu le pouvoir au provincial en 2003.

 

Vision Montréal ne constituait certainement pas une rampe de lancement idéale pour Mme Harel. Bien qu'il soit le principal parti de l'opposition, il n'a même pas réussi à attirer plus de 200 personnes à son dernier congrès... et ce, au moment où l'administration Tremblay commençait sa descente aux enfers dans une odeur de corruption. En outre, l'entourage de son chef a connu nombre de défections ces derniers mois.

En fait, c'est Vision Montréal qui avait besoin de Louise Harel plutôt que l'inverse. Son arrivée constituera une puissante injection d'adrénaline pour ce parti qui, depuis le départ de Pierre Bourque, n'a jamais vraiment pris son envol. Mme Harel attirera comme un aimant nombre de péquistes montréalais, elle a de solides assises dans l'est de Montréal, et elle dépasse Benoit Labonté de 100 coudées par sa notoriété et ses qualifications.

Lors des tractations qui ont précédé l'annonce d'hier, Mme Harel avait tous les atouts dans sa manche, et c'est ce qui explique probablement que M. Labonté, qui n'a jamais péché par manque d'ambition, se soit finalement résigné à renoncer à son espoir de remplacer Gérald Tremblay à la mairie.

Mme Harel, en effet, n'avait nul besoin de s'accrocher à un parti municipal. Elle aurait pu se présenter à la mairie comme candidate indépendante, tout comme Andrée Boucher l'a fait à Québec avec un succès retentissant. Rien, sinon les impératifs logistiques, n'oblige les candidats à la mairie à être à la remorque d'un parti politique. Par une ironie de l'histoire, les villes ont un système de type présidentiel, alors que les gouvernements fédéral et provinciaux sont astreints au parlementarisme britannique, où l'on ne peut devenir premier ministre que si l'on est le chef du parti ayant récolté le plus grand nombre de sièges.

M. Labonté ne pouvait pas ignorer que Mme Harel aurait pu, comme candidate indépendante, vider Vision Montréal de son sang, en grugeant ses effectifs et en attirant à elle les éléments les plus dynamiques du parti. Rares auraient été les militants qui auraient préféré faire campagne avec M. Labonté qu'avec Mme Harel.

L'atterrissage politique de Louise Harel a quand même donné lieu à d'amusantes péripéties. Ainsi, le chef de Projet Montréal, un tiers parti à la visibilité encore plus nulle que Vision Montréal, s'était dit prêt à lui céder sa place, à condition qu'elle souscrive «dans son intégralité» au programme du parti - un programme axé presque exclusivement sur l'environnement et l'urbanisme, et que Richard Bergeron considérait comme «sacré»! Ce qui ne manque pas de culot quand on a récolté 9% du vote aux dernières élections et fait élire un seul conseiller sur 64.

Cerise sur le gâteau, cette généreuse offre survenait quelques jours après que Paul Cliche, un militant et ancien candidat de Projet Montréal, publiait une lettre disant que Mme Harel serait un mauvais choix pour la mairie!

Mauvais choix? Bon choix? On aura le temps d'en reparler...