On n'est pas sorti du bois. Dans la foulée des scandales qui ébranlent l'hôtel de ville, ce sont tous les Montréalais qui pataugent dans la boue, et il faudrait plus que le balai de Louise Harel pour nettoyer les dégâts. Il faut appeler la police, trouver les coupables, démolir les cartels mafieux qui se partagent la manne en refilant aux contribuables des factures astronomiques et un boulot mal fait.

Même après tout cela, on ne serait pas encore sorti du bois. On n'aurait rien réglé si, aux entreprises privées véreuses, se substituait le syndicat des cols bleus tel qu'il est actuellement: une organisation qui utilise la violence et l'intimidation et ne s'est jamais distinguée par son respect du travail bien fait. Déjà, le chef syndical Michel Parent, profitant de la vague d'indignation suscitée par l'affaire des compteurs d'eau, réclame qu'une partie de la rénovation des conduites soit faite par ses membres plutôt que par des plombiers de l'extérieur.

 

Le travail à l'interne, soit. À deux conditions: que les employés soient impeccablement qualifiés et leurs travaux, garantis selon les normes; et que cela coûte moins cher aux contribuables que le recours à des firmes externes. On devrait aussi exiger que les cols bleus changent radicalement leur culture syndicale.

Espérons que Louise Harel, si elle est élue à la mairie, saura leur tenir tête... même si des cols bleus semblent croire le contraire, à en juger par les «Lou-ise!» enthousiastes que plusieurs d'entre eux scandaient lors d'une récente assemblée.

Chose certaine en tout cas, c'est Louise Harel et Vision Montréal qui seront les premiers bénéficiaires du vilain feuilleton qui se déroule à Montréal. S'ils remportent la victoire, ce sera moins dû à leurs propres mérites qu'au fait que l'administration Tremblay s'est discréditée et que la crédibilité du maire sortant est irrémédiablement érodée.

Nul ne doute de l'intégrité personnelle de Mme Harel, c'est déjà ça de pris... et dans le contexte actuel, c'est beaucoup. L'ancienne ministre a également nombre de qualités qui manquent au maire Tremblay: des idées claires, de l'énergie, un esprit vif...

C'est sur d'autres plans que le bât blesse, et son incapacité d'apprendre l'anglais les résume tous, car loin d'être anecdotique, cette carence, surprenante chez une femme intelligente dotée de deux diplômes universitaires, est symptomatique d'un refus viscéral, enraciné de longue date, de reconnaître la totalité de la réalité montréalaise. Cette réalité d'une ville fondamentalement biculturelle en plus d'être cosmopolite, il lui faudrait non pas la tolérer, mais l'apprécier et l'aimer.

Ainsi, les citoyens non francophones de Montréal ne pourront entendre les candidats à la mairie débattre dans leur langue. Ils y avaient pourtant droit, moralement sinon légalement. Ce n'est sûrement pas d'hier que Mme Harel nourrit des ambitions municipales. Pourquoi diable n'a-t-elle pas embauché un tuteur, suivi des cours intensifs, passé l'été en immersion? Tous les chefs de partis fédéraux ont eu l'humilité de participer à des débats en français même s'ils maniaient mal la langue, par respect pour leurs électeurs francophones. Mme Harel aurait dû suivre leur exemple.

Surtout, qu'on cesse de nous ramener l'exemple d'Ottawa, qui a eu des maires unilingues. Sans les institutions fédérales, Ottawa ne serait qu'une petite ville comme il y en a des tas en Ontario. Rien à voir avec Montréal!

Un maire unilingue à Montréal, doublé au surcroît d'une militante souverainiste, ce n'est pas la catastrophe du siècle, mais c'est un trait susceptible de diviser une population qui a déjà suffisamment de problèmes sans qu'on y ajoute la polarisation politique qui sévit au niveau provincial. Et disons-le franchement, un maire incapable de parler anglais, dans une métropole nord-américaine, ça fait drôlement ringard.