Raymond Laley, un prêtre néo-écossais de 69 ans, vient de démissionner de son poste d'évêque avant de se livrer à la police après avoir été trouvé en possession de matériel de pornographie juvénile. (Notez-le bien, on parle ici de fantasmes solitaires. Or les fantasmes, aussi pervers soient-ils, n'ont jamais ruiné la vie d'un enfant.)

M. Laley se soumettra à la justice, comme tant d'autres pédophiles qui, eux, sont passés à l'acte, comme tous ces vieux prêtres qui ont été dénoncés par leurs victimes des décennies après les faits, alors qu'ils avaient déjà un pied dans la tombe. Pourquoi Roman Polanski devrait-il, lui, échapper aux lois qui interdisent l'agression sexuelle des enfants?

 

Un épisode sordide de son passé vient de le rattraper alors qu'il se rendait au festival du film de Zurich. Dans son cas, on n'est plus dans le domaine du fantasme sexuel. Sa victime avait 13 ans. Elle a été emmenée sous de faux prétextes dans une maison vide, enivrée, droguée et violée par voie vaginale malgré ses pleurs et ses protestations, avant d'être sodomisée. Et il faudrait compatir avec lui, sous prétexte que Roman Polanski est un cinéaste de grand talent, qu'il a aujourd'hui 76 ans et que les festivals de cinéma devraient être des refuges sacrés?

De tous les arguments spécieux entendus cette semaine à la défense de Polanski, celui-là est le plus ridicule. La notion d'asile s'applique aux dissidents venus de pays totalitaires, pas aux auteurs de gestes crapuleux. Si les festivals de film sont des lieux intouchables, alors pourquoi pas les colloques universitaires? La recherche avancée n'est-elle pas aussi importante que la production de films? Pourquoi pas les salons du livre? La littérature serait-elle moins honorable que le cinéma?

En fait, ce qu'il faut comprendre de l'émoi des beaux esprits, c'est que si M. Polanski avait été un plombier assistant à une réunion des Chevaliers de Colomb ou à un tournoi de quilles, on aurait pu l'arrêter et le ramener devant le tribunal dont il s'est échappé il y a 32 ans. Mais un artiste, faudrait-il croire, doit être au-dessus des lois.

On aurait raison de protester si la procédure d'extradition portait atteinte à la liberté d'expression. Mais ce n'est aucunement le cas. Les oeuvres de Polanski sont montrées partout et ne souffrent d'aucune censure, il pourrait même ajouter un prix spécial du jury de Zurich à ses nombreux trophées.

Si la réaction du monde du cinéma a été une manifestation prévisible de corporatisme, celle d'une partie des élites françaises a été inqualifiable.

Bernard-Henri Lévy a parlé d'une «erreur de jeunesse» (Polanski avait 44 ans!). Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a qualifié l'arrestation de «sinistre». L'ancien ministre Jack Lang s'en est pris à la «machine infernale» du système judiciaire américain, et le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand y a vu le visage d' «une certaine Amérique qui fait peur»... Autant de réactions pour le moins présomptueuses, dans un pays qui a vu, l'an dernier, un demi-million de personnes placées en garde à vue, la plupart pour des vétilles, et où la détention préventive (sans procès) peut durer des mois.

Frédéric Mitterrand, en particulier, aurait été bien inspiré de s'abstenir de commenter cette affaire, lui qui dans son récit autobiographique La mauvaise vie, raconte en long et en large ses coucheries avec les jeunes garçons thaïlandais, de même que son «adoption» d'un mineur marocain que ses parents ont «donné» au riche Français en échange de la promesse que leur enfant aurait un meilleur avenir à Paris...