Vous me direz que je pousse la métaphore un peu loin, pourtant c'est vrai: j'étais sous la douche quand j'ai décidé de voter pour Louise Harel. C'est une pure coïncidence que ce soit à ce moment-là que j'aie fini par me brancher, mais je me suis sentie doublement lavée, lavée aussi comme citoyenne écoeurée des magouilles, et prête à un nouveau départ.

Jusque-là, j'étais plus ou moins résignée à voter pour le maire sortant, au nom du vieil adage anglais qui vous fait choisir «the devil you know». Je ressassais toutes les failles de Mme Harel, notamment ce qui m'apparaît comme une incapacité d'embrasser Montréal dans toutes ses dimensions linguistiques et culturelles. Je me disais que Gérald Tremblay, qui est à l'aise dans le monde des affaires, est le mieux placé pour promouvoir le développement économique de la ville. Mais l'idée d'aller voter avec un pince-nez me dégoûtait. Voter en ronchonnant, voter de mauvaise humeur, voter pour la simple raison qu'on ne veut pas annuler, c'était bien déprimant.

 

Et puis, l'échéance se rapprochant, j'ai commencé à aligner les arguments en faveur de Louise Harel.

Elle veut ramener à la ville centre des responsabilités comme le déneignement et l'urbanisme. Bravo. Elle n'est plus flanquée du trouble Benoit Labonté: avec lui s'éloigne l'odeur des magouilles, et c'est Pierre Lampron, un homme de qualité, qui serait le président du comité exécutif. Voilà qui est plus rassurant que l'idée de voir atterrir dans ce poste-clé Benoit Labonté, ou Diane Lemieux, la coéquipière de Gérald Tremblay. Avec le départ de M. Labonté, dont c'était le dada, Mme Harel cessera peut-être de s'accrocher à l'idée superfétatoire d'une exposition universelle sur l'autoroute Ville-Marie.

Je crois que Mme Harel fera tout pour réussir la fin d'une carrière gâchée par une fusion mal faite qui s'est terminée par le fiasco des défusions. Et elle est capable de beaucoup.

La souveraineté? De toute façon, le dossier est presque clos. Son anglais boiteux? Elle apprendra. Ses tentations bureaucratiques de péquiste de gauche? La réalité économique de Montréal, qui repose sur l'entreprise privée, la rattrapera vite. Elle sait qu'on l'attendra au tournant quand elle abordera des dossiers concernant les minorités d'allégeance fédéraliste, et l'on peut espérer qu'elle saura développer une sensibilité pan-montréalaise. Elle a au moins deux bons candidats anglophones, Brenda Paris et David Hanna, qui déjà lui servent d'éclaireurs.

Une grande loi de la politique veut que l'on croît dans la fonction - que la fonction, en quelque sorte, modèle son titulaire. Quand on endosse l'habit du maire d'une métropole, on est forcément un peu transformé.

Mon espoir, c'est qu'elle se «donnera» à Montréal comme elle s'est «donnée» au PQ.

Finalement, j'ai hâte à dimanche. Pour voter contre une administration pourrie qui n'a même pas été foutue de s'occuper de la voirie. Pour voter contre ce maire indolent et peureux qui n'a jamais pris position dans quelque controverse que ce soit (il ne s'est même pas mouillé dans le dossier majeur du CHUM!). Il n'y a qu'un seul projet qu'il a piloté obstinément, et c'était pour rebaptiser l'avenue du Parc... une idée fixe qui s'est terminée piteusement.

Après ses réponses erratiques sur la corruption, après sa tentative minable de nous faire croire que c'est pour protéger sa famille qu'il n'a pas agi, M. Tremblay sera trop discrédité pour être efficace, même dans les dossiers qu'il maîtrise bien.

Au diable les moumounes, au diable les Tremblay, Bergeron et Labonté qui ont demandé la protection de la police (!) comme si l'on était en Sicile ou à Kaboul! La seule personne qui s'est tenue debout dans ce mauvais mélodrame, c'est une femme.