Le Bloc devrait donner un coup de main discret au Parti libéral d'Ignatieff - ou en tout cas, prier fort pour qu'il renaisse de ses cendres. Car l'effondrement du PLC, qui auparavant divisait le vote fédéraliste, annonce d'autres victoires à l'image de celle des conservateurs dans Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup. (En passant, le Directeur des élections aurait-il la charité de rebaptiser cette circonscription en lui donnant, disons, le nom d'un poète ou d'un musicien de la région? Le Québec croule sous les sigles, et MLIKRDL, c'est encore plus imbuvable que les CSSMM et autres monstruosités lexicales qui polluent la langue!).

Mais revenons à nos moutons. Oui, les tories ont raison de se féliciter de cette victoire, qui, ajoutée à celle du comté néo-écossais qu'ils viennent de reprendre, les placent désormais à 10 sièges d'une majorité parlementaire (neuf en comptant André Arthur, qui vote toujours avec les conservateurs).

 

Car on a beau dire que les élections partielles ne veulent rien dire quant à l'issue d'un scrutin général, il reste qu'il est inhabituel que des partielles favorisent le parti au pouvoir, à plus forte raison quand le pays vient d'être frappé par une crise économique. Au Québec, l'exploit est d'autant plus remarquable que le comté était sous l'emprise du Bloc depuis 1993.

Certes, les tories ont bénéficié du départ de Paul Crête, qui était allé se fourvoyer sur la scène provinciale, mais il est significatif qu'ils aient été capables de recruter un excellent candidat. Bernard Généreux devrait être un précieux ajout dans un conseil des ministres où le Québec n'est pas assez bien représenté.

Autre facteur de bon augure pour l'avenir, M. Harper semble avoir fait la paix avec les libéraux provinciaux, qui ont travaillé à la campagne de M. Généreux. Une alliance informelle PC-PLQ serait autrement plus fructueuse que le flirt que M. Harper a mené avec l'ADQ.

Les électeurs de MLIKRDL (mes excuses aux lecteurs) ont-ils voté pour l'homme, l'ex-maire Généreux étant déjà une personnalité populaire, plutôt que pour le parti? Ont-ils voté pour se donner une voix au sein du gouvernement, parce qu'ils en avaient assez d'être confinés dans la bulle du Bloc? Ont-ils voulu punir le Bloc dont le député avait fait défection quelques mois après sa réélection?

Une seule chose est sûre: la victoire conservatrice n'a pas été une question d'organisation, car le Bloc est certainement le parti le mieux organisé au Québec et il a tout fait pour garder ce bastion. Gilles Duceppe a visité le comté à trois reprises, et nombre de têtes d'affiche bloquistes sont allées prêter main-forte à la candidate Nancy Gagnon.

La carte électorale du Québec, au fédéral, présente des analogies avec ce qui se passe dans les autres provinces. À peu près partout, les tories s'implantent dans les régions rurales et les banlieues, mais se trouvent refoulés à la porte des grandes villes. Ainsi, dans la circonscription très urbaine d'Hochelaga, le PC est arrivé en quatrième et dernière place, alors que le NPD haussait de cinq points son score de 2008.

Au Québec, on constate une fois de plus que c'est dans les régions qui ont gardé un «fond bleu» - en gros, l'est de la province à partir des régions de Québec et de la Beauce - que les conservateurs ont des chances, tout comme les adéquistes en auraient encore aujourd'hui si leur ancien chef Mario Dumont n'avait pas fait le vide autour de lui pendant 15 ans, de manière à rester le petit chef incontesté de sa formation. L'incapacité de M. Dumont à s'entourer de gens forts a semé la tempête qui s'abat maintenant sur cet ersatz de parti.