Le Parti québécois a parlé de langue pendant deux jours, mais est passé à côté du seul véritable danger qui menace le français au Québec, soit l'abandon de la métropole par les Canadiens français. (Le mot «francophone» est inadéquat, car il s'applique à tous les nouveaux venus dont le français est la langue maternelle ou seconde.)

Le Québec profond restera français pour d'innombrables générations, mais à quoi cela servira-t-il si son unique grande ville, sa locomotive économique et culturelle, devient graduellement un melting-pot où la culture française de vieille souche aura perdu tout pouvoir assimilateur?

 

La population de langue maternelle française est passée de 61% en 1971 à 50% en 2006. Pendant que la presque totalité des immigrants s'établissaient à Montréal (ce qui est normal), les Canadiens français de classe moyenne déménageaient en banlieue... La métropole en a perdu près de 200 000 depuis 1986, et la tendance s'accélère: 53 000 pertes seulement entre 2001 et 2006.

C'est une sorte d'automutilation dont les francophones eux-mêmes sont entièrement responsables.

Bien sûr, on dira que la région montréalaise reste très majoritairement française, à près de 70%. Mais la région n'est pas la ville. Laval ou Longueuil ont beau être, à vol d'oiseau, plus proches de la Place Ville-Marie que Beaconsfield, il reste que le seul foyer de l'urbanité se trouve à Montréal, dans le coeur de l'île.

La vaste région du 450 n'est qu'une grosse banlieue, aussi bien pourvue soit-elle en centres commerciaux et autres attractions. La culture qui s'y développe est une culture de banlieusards: homogénéité sociale et ethnique, absence de minorités visibles et de marginaux, dépendance à l'auto, surprotection des enfants... C'est un mode de vie respectable, mais ce n'est pas un bouillon de culture urbaine.

Le Québec français est-il voué à redevenir un pays de régions rurales et de petites municipalités, amputé de sa métropole vibrante et cosmopolite qu'on aura abandonnée aux anglophones et aux enfants d'immigrés?

Il est vrai que Montréal a un bien mauvais rapport qualité-prix... Il en coûte plus cher à la classe moyenne pour s'y loger que ce qu'elle reçoit en retour, et Montréal est notoirement mal gérée. Mais c'est l'oeuf et la poule: plus la classe moyenne francophone déserte la ville, plus Montréal continue à décliner, car ceux qui ont remplacé les familles francophones de vieille souche sont des immigrants souvent pauvres et insuffisamment acculturés, ou des couples prospères... sans enfants.

Le député péquiste Pierre Curzi a récemment soulevé ce problème... sans proposer de solution, tandis que son parti, une fois de plus, se tournait vers l'amulette magique de la loi 101, qu'on rêve d'étendre aux cégeps et aux petits commerces!

Mais faut-il s'en étonner? La triste vérité, c'est que la région 450 est le plus grand champ de bataille électoral de la province. Et ce vote fluctue, alors qu'à Montréal, les jeux sont faits: l'est de l'île vote péquiste et l'ouest vote libéral, comme l'hiver succède à l'automne. Le PQ ne s'occupe pas de Montréal parce que les nerfs vitaux de la métropole lui échappent, et les libéraux ne s'en occupent pas parce qu'ils la tiennent pour acquis.

C'est désespérant. Quel parti aura le courage d'adopter des mesures susceptibles de réduire l'étalement urbain et de ramener les jeunes familles à Montréal? Ceux qui y reviennent sont le plus souvent des «empty nesters» qui, les enfants partis, ont troqué leur pavillon de banlieue pour un condo. Mais si les retraités peuvent encourager les industries culturelles, ce ne sont pas eux qui vont remplir les écoles, revitaliser le commerce, fonder des entreprises et insuffler un élan dynamique à la ville.