J'ai reçu beaucoup de réactions à ma chronique de jeudi, où je disais que la plus grande menace qui pèse sur l'avenir du français au Québec, c'est l'abandon de Montréal par la classe moyenne francophone exilée dans le 450.

Hélas! il n'y a aucun rayon d'espoir dans le courrier...

Un ancien journaliste spécialisé dans les questions d'habitation, aujourd'hui fonctionnaire à la Ville de Montréal: «Déjà il y a 20 ans, les urbanistes s'entendaient pour dire que l'étalement urbain est un phénomène de société incontrôlable et irréversible... Les premiers départs des Montréalais ont permis de peupler ce qu'on appelle aujourd'hui les anciennes villes de banlieue comme Anjou, Saint-Léonard, Pierrefonds, pour ensuite s'étendre à l'extérieur de l'île vers Laval, Longueuil, Repentigny, Vaudreuil. Aujourd'hui, l'étalement rejoint la deuxième couronne - Blainville au nord, L'Assomption à l'est, La Prairie au sud...

 

«Je continue à croire que la banlieue est une erreur dans le développement de notre monde moderne, poursuit notre correspondant, mais souvent je me demande si je ne suis pas un extra-terrestre, puisque je suis le seul, parmi tous mes amis qui vivaient à Montréal il y a 20 ans, à être resté sur l'île.»

Un Montréalais déménagé en 2000 dans le Vieux-Longueuil: «À Montréal, les propriétés équivalentes coûtaient 100 000$ de plus... Je ne parle pas d'un château, mais d'une petite maison de trois chambres.»

Un autre lecteur désabusé: «Combien pariez-vous que le métro se rendra à Saint-Jean-sur-Richelieu avant de se rendre à Anjou?»

Un ex-Montréalais habitant Saint-Bruno depuis 30 ans: «Une meilleure loi que la loi 101 est la loi du nombre! Mais fonder une famille ne semble pas être dans les cartons des Québécois de souche...»

Un administrateur financier: «Montréal finira probablement comme certaines grandes villes américaines, Detroit et Cleveland, entre autres. L'effet 'trou de beigne' est déjà parfaitement visible et la prochaine étape sera, pour ceux qui resteront, l'aménagement de quartiers 'protégés' comme dans certaines villes de Floride. Tout a commencé avec les premiers 'centres d'achat', sur l'île même, alors que Montréal n'avait pas encore réussi à se doter de transports en commun adéquats. L'élimination des tramways, la disparition des cliniques médicales de quartier et la frilosité paroissiale ont pavé la voie vers la périphérie. Quelques ponts de plus ont favorisé l'exode... Tout compte fait, 1967 a été la dernière bonne année.»

Mais le bouquet, la lettre qui fait vraiment mal, c'est celle-ci: «Je suis un exilé de Montréal et il y a quatre ans que j'habite Chambly. Je suis gai, et il y a de plus en plus de minorités visibles à s'établir en Montérégie...»

Indépendamment du fait que les gais ne sont pas une minorité visible (mais là n'est pas l'essentiel du propos), cette lettre m'a particulièrement remuée. Car si même les gais décident de déménager en banlieue, c'est vraiment la fin des haricots.

Partout au monde, en effet, les homosexuels (les hommes tout particulièrement) forment la population la plus urbaine, la plus urbanisée qui soit.

Pourquoi? Parce qu'en général, ils n'ont pas d'enfants et que beaucoup d'entre eux ont des revenus supérieurs à la moyenne (un couple de lesbiennes, c'est deux salaires de femmes et souvent charge d'enfants, mais un couple de gais, c'est deux salaires d'hommes et pas d'enfants)... Parce qu'ils apprécient, en raison des préjugés qui s'exercent contre eux, l'anonymat des grandes villes. Parce qu'ils aiment sortir, aller au restaurant, au théâtre, dans les clubs. Parce que le village gai...

Alors, si même les gais commencent à déserter Montréal, la ville «gay friend-ly» par excellence, c'est de très, très mauvais augure.