Hier, un sondage de Léger Marketing indiquait que, pour la première fois depuis plus de deux ans, le Parti québécois vient de devancer les libéraux dans les intentions de vote. La marge est mince - quatre points, à peine plus que la marge d'erreur, et Jean Charest conserve une crédibilité personnelle légèrement supérieure à celle de Pauline Marois, mais le renversement est de taille.

Pire, le PLQ est en chute libre chez les francophones: avec un maigre 29% d'appuis, il traîne loin derrière le PQ, qui domine avec 47% des voix. Et le taux d'insatisfaction a grimpé en flèche depuis juin, atteignant 60%.

 

Bref, compte tenu de son regain de popularité chez les francophones, qui détiennent la clé de l'immense majorité des circonscriptions, le PQ aurait des chances de former un gouvernement majoritaire si des élections avaient lieu aujourd'hui.

Comment expliquer cet étonnant revirement? Pour l'analyste de Léger, il ne peut s'agir que du refus du gouvernement Charest de tenir une enquête publique sur l'industrie de la construction - une chose que souhaite, selon d'autres sondages, l'immense majorité des gens ébranlés par les dernières rumeurs de scandale. C'est certainement une explication valable, mais pas la seule.

L'économie ne va pas si mal, et l'on ne voit pas d'emblée ce qui aurait pu propulser le PQ de l'avant. Ce ne sont certainement pas les tergiversations de Pauline Marois, dont la pensée paraît de plus en plus floue et le leadership de plus en plus incertain, qui ont aidé le PQ. Ce n'est pas non plus l'idée d'étendre la loi 101 aux cégeps qui peut avoir eu un impact dans l'opinion. Au contraire, l'interdiction de fréquenter un cégep anglais déplairait à nombre de francophones.

Faut-il plutôt voir dans le revirement de l'opinion publique le résultat de la croisade péquiste sur les questions identitaires? Les Québécois francophones reprocheraient-ils au gouvernement son inaction concernant la supposée anglicisation de Montréal et le malaise suscité par la présence de minorités religieuses très visibles? C'est fort possible.

Les nationalistes militants ont tellement agité ces épouvantails, ces derniers mois, qu'il faut bien qu'il en reste quelque chose. La carte identitaire avait réussi à Mario Dumont en 2007, la recette est encore bonne aujourd'hui (ce qui ne veut pas dire qu'elle soit louable).

Le fait que la chute de popularité du gouvernement se soit produite surtout chez les francophones vient d'ailleurs fortement soutenir cette hypothèse. Car sur la question de l'enquête sur la construction, les anglophones et les allophones sont sans doute sur la même longueur d'onde que les francophones.

Quoi qu'il en soit, les motivations des électeurs sont complexes, et rares sont ceux qui n'ont qu'une seule raison d'en vouloir à un gouvernement. La grogne peut tenir au malaise devant l'immigration et à la peur de voir le français décliner (deux thèmes que les péquistes, de même que nombre de commentateurs populaires, exploitent sans relâche) tout aussi bien qu'au refus du gouvernement de tenir une enquête sur la construction - une résistance qu'on interprète, à tort ou à raison, comme une tentative de protéger les gros souscripteurs de la caisse libérale.

Bref, il y a de la colère dans l'air, une colère qui se cristallise autour de deux images qui reviennent dans toutes les conversations: une enveloppe brune et un foulard islamique...

Face à cela, les bons coups de M. Charest - comme son intention de diminuer les GES et l'instauration de la mobilité professionnelle entre la France et le Québec - sont des réalisations trop abstraites, en tout cas trop éloignées des obsessions et des soucis quotidiens de la majorité, pour faire contrepoids.