Nous parlions jeudi de ce gel des droits de scolarité qui entrave de plus en plus le développement de nos universités... sans par ailleurs avoir rehaussé d'un iota le niveau de scolarité du Québec, qui demeure en dessous de la moyenne canadienne.

Petite nouvelle en provenance de la France, paradis de la gratuité universitaire... L'Université Paris-Dauphine s'apprête à hausser considérablement les frais d'inscription à ses programmes de maîtrises en gestion, économie internationale et développement. (Fidèles à leurs mauvaises habitudes, les Français ont rebaptisé les maîtrises en «masters», mais là n'est pas mon propos).

Les droits des programmes les plus prestigieux de cette université qui se veut à la fine pointe des «sciences de l'organisation et de la décision» passeront donc de 231 à... 4000 euros (6400$ CAN). Dans la même nouvelle du Monde, on apprend que Sciences Po, une institution qui elle aussi vise une reconnaissance internationale, exige maintenant des frais équivalant à 20 000$ pour certaines de ses maîtrises.

Voilà qui relativise le tollé provoqué récemment par McGill, qui entend, au risque de se passer de subventions gouvernementales, hausser de 1675$ à 29 500$ les frais d'inscription à son programme de MBA.

Détail capital, tout comme McGill offrira des bourses aux étudiants qui en auront besoin, Paris-Dauphine modulera ses droits de scolarité en fonction des revenus des familles, ce qui les ramènera à 1500 euros pour certaines catégories. Le maximum de 4000 euros sera imposé aux étudiants dont les parents ont un revenu familial équivalant à plus de 128 000$.

Voilà qui semble fort juste. Pourquoi la formation de ces diplômés promis à un brillant avenir devrait-elle être assumée par l'ensemble des contribuables?

La gratuité a eu des effets catastrophiques sur les universités françaises. L'État qui en a la charge entière ne peut les subventionner adéquatement. La plupart d'entre elles sont de qualité inférieure. S'y entassent des millions d'étudiants à l'avenir aléatoire, alors que les enfants des classes privilégiées se retrouvent dans le petit réseau élitiste des grandes écoles. Les universités qui veulent sortir du rang, comme Paris-Dauphine ou Science Po, sont obligées de compter sur le financement privé, au moins dans les programmes qui mènent à des professions très lucratives.

Revenons au cas de McGill. Je vous invite, cher lecteur, à consulter l'analyse de Jean-Paul Gagné dans le magazine Les Affaires (numéro du 6 février). Il signale que la hausse des droits qui fait frémir notre ministre de l'Éducation est bien modeste, à comparer, par exemple, à ce que coûtent les programmes de MBA de l'Université de Toronto (de 74 936$ à 94 286$).

Il en coûte à McGill 22 000$ par étudiant pour maintenir son programme de MBA, explique notre collègue. Elle reçoit 12 000$ de Québec. Compte tenu de la minceur de la contribution étudiante, l'université est donc déficitaire de plus de 8000$ par étudiant... «ce qui veut dire que les étudiants d'autres facultés subventionnent indirectement les études de diplômés qui gagneront 80 000$ et plus à leur sortie d'université».

On pourrait faire la même remarque à propos des facultés de droit ou de médecine. Leurs droits de scolarité rejoindraient le niveau des universités du Canada anglais qu'elles continueraient à attirer les étudiants.

Il va de soi qu'il faudrait prévoir des systèmes de prêts-bourses pour ceux qui viennent de familles modestes. (Même si l'étudiant est majeur, le revenu des parents doit compter, car c'est leur devoir de faire instruire leur enfant).

Chose certaine, il n'est pas normal que la formation des futures élites soit presque entièrement assumée par les contribuables dont la majorité sont des petits salariés.