Est-il tolérable qu'aux portes de Montréal subsiste une enclave où l'obsession de la pureté raciale tient lieu de politique? C'est ce qui se passe à Kahnawake, où le conseil de bande compte chasser de la réserve 26 «non-Mohawks», presque tous des hommes blancs cohabitant avec des Amérindiennes.

Briser des familles, priver des femmes de leur mari et des enfants de leur père au nom de la pureté du sang? Il y a un nom pour cela et ça s'appelle le racisme... lequel n'est pas plus excusable s'il vient d'un groupe ethnique minuscule que s'il est le fait d'un puissant régime comme l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid.

 

Cessons donc de nous payer de mots. Kahnawake n'a rien d'un État souverain. Ce sont les contribuables canadiens qui subventionnent ses institutions et ses exonérations fiscales. C'est le Québec qui a construit les routes qu'empruntent ses citoyens pour aller travailler ou se divertir, les hôpitaux où ils vont se faire soigner et les collèges où ils vont s'instruire. Kahnawake fait partie du Québec et du Canada. Or, au Québec et au Canada, les citoyens n'ont-ils pas des recours contre la discrimination raciale?

On ne le dirait pas, à voir la lâcheté avec laquelle les gouvernements ont réagi. Le gouvernement Charest, avec l'indolence qui le caractérise, regarde ailleurs sous prétexte que les affaires indiennes sont de juridiction fédérale. Mais qu'attendre d'un gouvernement qui accepte que des portions de son territoire soient des «no-go zones» pour la SQ?

Le ministre fédéral des Affaires indiennes, Chuck Strahl, se déclare impuissant - une affirmation contestée, notamment par la présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec qui estime, à l'instar de plusieurs juristes, que le ministre a le pouvoir d'invalider la décision.

«Ces décisions (d'expulsion) sont prises par les Premières Nations sur leurs terres», plaide mollement le ministre. Faux. Les Amérindiens n'ont pas plus le droit de faire n'importe quoi sur leurs terres que les Blancs dans leurs propres maisons. Il y a des lois, ici, et des chartes de droit.

Le NPD reste sur la clôture. Thomas Mulcair «comprend» à la fois les Mohawks et ceux qui réprouvent la discrimination raciale. Tout le monde a raison, donc il n'y a pas de problème!

Cerise sur le gâteau, l'intervention ahurissante de Louis Bernard, qui passa longtemps pour l'homme sage du PQ. Il appuie l'ordre d'expulsion au nom de la «survie culturelle»: «Comment (un peuple de 8000 personnes) pourrait-il permettre que par mariage ou cohabitation, de plus en plus de non-Mohawks viennent s'établir sur son territoire?» Voilà bien la pire dérive du nationalisme identitaire, quand on subordonne les libertés individuelles les plus élémentaires (comme l'intégrité de la cellule familiale) aux «droits» collectifs. Pire, M. Bernard estime que ces expulsions sont «un geste de défense identitaire tout à fait analogue à la loi 101»! Est-il en train de nous dire que la loi 101 était d'inspiration raciste?

Michael Ignatieff est le seul politicien, jusqu'à présent, qui a eu le courage de se tenir debout. «Nous sommes en faveur de la protection et du développement de la culture autochtone, a-t-il déclaré, cependant séparer des familles n'est pas acceptable.» Bien dit... encore qu'il y ait un hic: M. Ignatieff s'oppose au démantèlement de familles déjà constituées; accepterait-il que le conseil de bande empêche les unions mixtes, en interdisant aux Mohawks de se mettre en ménage avec un non-Mohawk sous peine de perdre tous leurs droits ancestraux? Ce ne serait pas mieux.