Faut-il sortir de la politique pour avoir de bonnes idées? Le gouvernement du Québec est-il devenu si impotent que ses ministres ont moins de pouvoir que les retraités de la politique?

Telles sont les questions, tout de même troublantes, que pose l'intervention d'un groupe de personnalités (parmi lesquelles se trouvent un ancien premier ministre et trois anciens ministres) en faveur de l'augmentation des droits de scolarité universitaires. L'idée est bonne, mais là n'est pas la question.

 

Lucien Bouchard, le porte-parole du groupe, a été premier ministre de 1996 à 2001. Pourquoi n'a-t-il pas levé le petit doigt pour dégeler les droits de scolarité, alors que le sous-financement des universités constituait déjà un problème criant et qu'il était non seulement investi du pouvoir suprême, mais assez populaire pour faire passer des réformes audacieuses? Joseph Facal a été président du Conseil du Trésor dans le dernier gouvernement péquiste, et Michel Audet, ministre des Finances de 2005 à 2007. Pourquoi n'ont-ils rien fait quand ils détenaient des postes-clés? Quant à Monique Jérome-Forget, elle était, jusqu'à avril dernier, le numéro deux du gouvernement et ministre des Finances... Il faut signaler qu'elle, au moins, a le mérite d'avoir essayé... jusqu'à ce que le rapport Montmarquette qu'elle avait commandé (sur la tarification des services publics) soit instantanément jeté aux orties.

Faut-il en déduire qu'il est impossible de piloter un projet le moindrement controversé au sein de nos gouvernements?

Je mettrais ma main au feu que M. Charest est dans le coup. Ce gouvernement timoré, qui a repris la recette du deuxième gouvernement Bourassa - surtout ne pas bouger sauf dans le sens du vent - a, en effet, bien besoin de béquilles. (Il va de soi, par ailleurs, qu'il n'y a rien à attendre du côté du PQ, qui s'est instantanément rebiffé à l'idée d'un dégel substantiel.)

La nécessité d'une hausse des frais d'inscription dans les universités est pourtant une affaire entendue depuis longtemps. Seule la lâcheté de gouvernements péquistes autant que libéraux a maintenu en place ce régime absurde qui impose aux contribuables tout le fardeau de la formation des futures élites, et qui fait que l'on peut devenir médecin ou avocat à un coût personnel dérisoire. Si encore ce joli privilège avait fait augmenter le niveau de scolarité au Québec! Mais au contraire, le Québec, où l'université coûte trois fois moins cher qu'ailleurs au Canada, est la province où le taux de scolarisation est le plus bas!

Les opposants font valoir que les universités se lancent dans des dépenses somptuaires. C'est vrai: qui a oublié les folies immobilières de l'UQAM, qui auraient entraîné n'importe quelle entreprise privée dans la faillite? Vrai aussi: il y a trop de «cadres» dans nos universités, particulièrement du côté francophone. Mais tout cela n'est pas une raison pour ne pas exiger une contribution adéquate des étudiants. S'il fallait ne financer que les institutions parfaitement bien gérées, il faudrait refuser de payer nos impôts, compte tenu de la façon dont nos gouvernements utilisent les fonds publics!

Enfin bon, réjouissons-nous tout de même de voir ces anciens politiciens prôner ce qu'ils n'ont pas fait quand ils étaient en politique. Mieux vaut tard que jamais, et ce gouvernement inanimé a grand besoin de transfusions de sang massives... Les fanfaronnades du ministre Bachand, qui n'annonce rien de moins qu'une «révolution culturelle» dans son futur budget, n'abuseront personne. Ce gouvernement, le nez sur les sondages même quand son chef a les deux mains sur le volant, accouchera d'un souriceau.