Les libéraux ne sont pas, en règle générale, des intellectuels. Ils sont plus souvent avocats ou hommes d'affaires qu'enseignants ou sociologues. Ils n'ont pas la faconde des péquistes, et guère de talent pour la communication. Mais il y a une chose qu'on attend d'eux parce qu'on suppose que ce serait dans leurs cordes: on s'attend à ce qu'ils gèrent la boutique convenablement. Ce serait déjà beaucoup.

Or, que se passe-t-il, après sept ans de règne libéral?

Le projet du CHUM pourrit sur place. Idem pour le processus de rénovation du métro de Montréal, marqué par tant d'incompétence que les nouvelles voitures, censées arriver cette année, ne seront livrées qu'en 2014. Les infrastructures tombent en ruine, les travaux publics restent aux mains des profiteurs. Les fonds publics s'engouffrent à coup de millions par toutes les failles de cet édifice vermoulu et mal administré qu'est devenu le Québec, ce Québec qui naguère savait tout faire, y compris les plus beaux barrages hydroélectriques au monde.

 

Et voici que l'on apprend que le Québec arrive au cinquième rang des nations les plus endettées du monde industrialisé. Dans ce triste palmarès, nous nous classons juste après la Grèce, ce pays catastrophé qui fait vaciller l'Europe, et seulement deux points derrière l'Islande, un pays en faillite totale depuis deux ans! Même le Portugal et la Hongrie s'en tirent mieux que nous, sans compter l'ensemble du Canada, dont l'indice d'endettement est de 69,7% (indice du Québec: 94%).

Loin de provenir d'un vilain «think tank» antiquébécois, ces chiffres ont été établis par notre propre ministère de Finances, selon une méthode calquée sur celle de l'OCDE, en ajoutant à la dette brute de la province celle des municipalités et des réseaux de la santé et de l'éducation.

Les libéraux sont au pouvoir depuis trop longtemps pour qu'ils puissent rejeter quelque faute que ce soit sur le PQ. Que fait donc Jean Charest, lui qui a lancé la province dans des élections prématurées un an et demi après la précédente, en nous disant qu'il lui fallait avoir «les deux mains sur le volant» ? Qu'est-ce qu'il en fait de ses mains, le monsieur? Les laisse-t-il pendre sur ses genoux? Les fourre-t-il dans ses poches? M'est avis que les deux mains de notre premier ministre, ces temps-ci, servent plutôt à transporter des billets d'avion, car M. Charest ne rate pas une occasion de voyager de par le vaste monde.

On l'a vu à Copenhague où il s'est lancé contre Ottawa dans une autre de ces querelles de tapis rouge qui étaient naguère la spécialité du PQ, on l'a vu dans les capitales européennes où il tente de vendre l'idée d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, comme s'il était le ministre des Affaires étrangères du Canada. Sa plus récente fuite en avant concerne ce rêve fou d'un TGV Montréal-New York. Comme le projet n'intéresse pas l'administration américaine, M. Charest n'écarte pas la possibilité que le Québec contribue financièrement à la réalisation du tronçon entre Albany et Montréal. Un Québec surendetté finançant des projets non rentables en territoire américain? Revenez sur terre, M. Charest. Ici, au Québec, où vous attend le volant sur lequel vous vouliez tellement poser les deux mains.

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RECTIFICATION. Dans ma chronique de mardi, j'ai parlé de «feu Léandre Bergeron» - une erreur impardonnable, car M. Bergeron est en pleine forme, comme me l'ont signalé de nombreux lecteurs. Mes plus sincères excuses à M. Bergeron. J'avais commis la même gaffe idiote il y a deux ans, en enterrant prématurément un ancien ministre libéral. Désormais je bannirai le mot «feu» de mon vocabulaire.