En 2007, chaque citoyen britannique a contribué 124$ à la BBC. La contribution annuelle de chaque Français à France Télévision passera bientôt de 65$ à 77$. Combien a coûté à chaque Canadien l'ensemble des services de Radio-Canada/CBC en 2008 ? Exactement 34$. Neuf cents par jour. Même pas de quoi s'acheter une gomme Bazooka.

Une étude réalisée par le Groupe Nordicité en 2007 a révélé que le Canada se classait 14e parmi 18 pays occidentaux en ce qui concerne le financement de la radiodiffusion publique. Il faudrait que le gouvernement canadien double le financement qu'il accorde à Radio-Canada/CBC pour atteindre la parité avec la France, et qu'il le quadruple pour rejoindre le niveau de la Grande-Bretagne. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Hubert Lacroix, le PDG de Radio-Canada/CBC.  

M. Lacroix a fait ce commentaire il y a un mois, devant l'Empire Club du Canada, à Toronto. Dans les jours précédents, il avait demandé au gouvernement conservateur une aide provisoire afin de faire face à la crise économique. Hubert Lacroix n'a pas demandé la lune au gouvernement qui l'a nommé à la tête de la société d'État en novembre 2007.

 

Seulement quelques assouplissements dans l'attribution du milliard de dollars en crédits accordés en 2009 à Radio-Canada. Le gouvernement Harper a refusé tout accommodement.

 

Hier, Hubert Lacroix a annoncé la suppression de plus de 800 postes à Radio-Canada, dont 335 au service français, d'ici septembre. «Nous avons dû faire des choix difficiles», a-t-il précisé, avant d'ajouter que certaines compressions dans la programmation risquaient de déplaire au gouvernement.

 

Je suis loin d'en être convaincu. La perspective de voir d'ici quelques mois un diffuseur public affaibli plaira à nombre de conservateurs de l'aile réformiste du parti, qui ne cachent pas leur mépris pour la société d'État. D'autant plus que près de la moitié des postes abolis seront supprimés dans le service français.

 

Hier, talonné par l'opposition, le gouvernement Harper affichait une nonchalance suspecte. Il faudra qu'on m'explique comment laisser 805 personnes perdre leur emploi est une mesure souhaitable en période de crise économique. Une aide provisoire à Radio-Canada aurait permis d'éviter, sinon des coupes, du moins des coupes de cette ampleur, tout en accordant à la direction une marge de manoeuvre pour les prochains mois.

 

En conférence avec les employés de la société d'État hier, le vice-président du service français Sylvain Lafrance a comparé Radio-Canada à un «magasin de porcelaine».

 

L'image est juste. Tout changement important à la structure du diffuseur public pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur sa programmation. On n'enlève pas brusquement une assiette du dessous d'une pile sans qu'il n'y ait de vaisselle cassée. On ne coupe pas 85 postes dans un service d'information sans atteindre à la qualité de l'information. On ne coupe pas 18 millions dans une programmation générale sans que les variétés et les dramatiques n'en subissent les contrecoups.

 

Radio-Canada est le seul service d'information au pays doté de correspondants dans toutes les régions du monde. Avoir accès à cette information internationale est un choix de société. Faudra-t-il qu'il n'y ait plus que des correspondants à Gander et à Flin Flon pour que l'on se rende compte de la gravité des coupes annoncées en information?

 

Radio-Canada est l'un des rares télédiffuseurs qui a les moyens de proposer des émissions de fiction originales et audacieuses. Faudra-t-il que sa programmation télé devienne aussi insipide que celle de TQS pour qu'on en arrive à accepter que 40$ par tête de pipe pour une télé publique de qualité, ce n'est pas trop cher payé dans une année?

 

Radio-Canada est un magasin de porcelaine, dit son vice-président. Il faudrait peut-être en aviser le gros éléphant conservateur qui vient de franchir le seuil de la porte.