Ce n'est pas parce que l'on demande une subvention que l'on reçoit une subvention. Et ce n'est pas parce que l'on répond aux critères d'attribution d'une subvention que l'on doit recevoir cette subvention. Sauf que...

Le Programme des manifestations touristiques de renom a été mis sur pied par le gouvernement fédéral afin d'aider des festivals ou des organismes à attirer davantage de touristes étrangers en cette période économique difficile. Industrie Canada doit y investir 100 millions de dollars d'ici à l'été 2011. Environ le tiers de cette somme a déjà été attribué à 26 manifestations (sur environ 150 demandes).

 

Le Québec n'est pas en reste: 2,7 millions au Festival d'été de Québec, 3 millions au Festival international de jazz de Montréal (la somme maximale), 3 millions au Festival Juste pour rire, 1,5 million aux FrancoFolies, 965 000$ à l'International des montgolfières de Saint-Jean, 950 000$ au Grand Rire de Québec, 500 000$ au Festival d'été de Tremblant et 200 000$ au Mondial choral de Laval.

Le Québec compte près du tiers des manifestations subventionnées, pour plus de 40% des sommes allouées. Mais tout n'est pas parfait. Des festivals comme Divers/Cité et Nuits d'Afrique ont reproché ces derniers jours à Industrie Canada la lenteur du processus et une certaine opacité dans ses critères de sélection. Les réponses du Ministère ont dans plusieurs cas été tardives, obligeant bien des festivals qui comptaient sur une subvention à revoir en catastrophe leur plan de match.

«Les décisions de financement pour les manifestations qui auront lieu au début de l'été seront prises de façon opportune, en tenant compte de l'aspect de stimulation économique du programme», prévoit le règlement d'Industrie Canada. Formule sibylline s'il en est.

Ce que l'on comprend de la stratégie du nouveau programme, c'est qu'il favorise en général les grandes manifestations au détriment des moins grandes. À elle seule, l'Équipe Spectra (Festival de jazz, FrancoFolies) a reçu à ce jour 15% des sommes allouées par Industrie Canada. La stratégie se défend, dans la mesure où les grands festivals sont souvent les plus susceptibles d'attirer des touristes étrangers.

Ce qui se défend moins bien, en revanche, c'est l'impression d'arbitraire qui plane encore une fois sur l'attribution de subventions par le gouvernement Harper. Il y a quelques semaines, la ministre d'État au Tourisme, Diane Ablonczy, s'est vu brusquement retirer la gestion du Programme des manifestations touristiques de renom. Elle venait d'attribuer près de 400 000$ à Pride Week, qui organise entre autres le défilé de la fierté gaie de Toronto.

Selon un député de Saskatoon, Brad Trost, cette décision aurait été très mal perçue par une partie du caucus conservateur et par des proches du premier ministre. Dans la foulée, Stephen Harper aurait confié la responsabilité du nouveau programme à Tony Clement, ministre de l'Industrie.

Le gouvernement conservateur se défend de tout lien entre la subvention à Pride Week et la «démotion» de Diane Ablonczy. Mais il faudrait être dupe pour ne pas y voir une coïncidence, estiment la plupart des observateurs de la scène fédérale. D'autant plus qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute les déclarations de Brad Trost, un député conservateur opposé au mariage gai qui s'est confié à un site internet chrétien afin de rassurer la base ultra conservatrice de son parti. Diane Ablonczy, ancienne réformiste de Calgary, n'est elle-même pas particulièrement libérale (c'est un euphémisme).

Les conservateurs, en mode «séduction» depuis la gestion catastrophique des coupes en culture - qui aurait coûté sa majorité à Stephen Harper - regretteront évidemment ce nouveau fiasco de relations publiques. Quand ce n'est pas les artistes, c'est les homosexuels...

Le ministre du Patrimoine, James Moore, s'était pourtant efforcé depuis des mois de distribuer à coups de milliers de dollars des subventions à gauche et à droite, afin de faire oublier la bourde préélectorale de son gouvernement. C'était sans compter sur le don unique du Parti conservateur de rappeler au moment le plus inopportun les convictions profondes de son aile orthodoxe. À ce sujet, une lecture aléatoire des sites web de la droite chrétienne canadienne s'avère des plus instructives.

Ce n'est pas parce que l'on demande une subvention que l'on reçoit une subvention. Et ce n'est pas parce que l'on répond aux critères d'attribution d'une subvention que l'on doit recevoir cette subvention. Sauf que la question se pose. Le refus d'une subvention de 155 000$ à Divers/Cité dans le cadre du Programme des manifestations touristiques de renom a-t-il un lien avec l'attribution, contesté au sein du caucus conservateur, d'une subvention de 400 000$ à la Gay Pride de Toronto? Disons que le doute subsiste.