Pitchfork, la bible du rock indépendant américain, vient de faire paraître sa liste des 200 meilleurs albums des années 2000. Parmi les 100 premiers, pas moins de trois disques de groupes montréalais témoignent de l'importance du «Montreal Sound», qui a emballé le monde de l'indie rock au milieu de la décennie.

Funeral, album-phare d'Arcade Fire, fait de traits de génie, de poésies surréalistes et d'hymnes incantatoires, arrive au deuxième rang de ce prestigieux palmarès, juste après Kid A, chef-d'oeuvre avant-gardiste de Radiohead, sacré sans surprise meilleur disque des 10 dernières années (Pitchfork avait fait de OK Computer son «meilleur album des années 90»).

Parmi les autres Montréalais célébrés par le réputé webzine de Chicago, on retrouve au 89e rang l'excellent Apologies to the Queen Mary du groupe Wolf Parade (compagnon de scène de la tournée Funeral d'Arcade Fire) ainsi qu'à la 65e position, Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven du mythique collectif post rock Godspeed You! Black Emperor.

Comme tous les palmarès du genre, le top 200 des années 2000 de Pitchfork, une référence en matière de «listes», suscite des discussions enflammées sur le web à propos de l'inclusion contestable d'untel (FutureSex/LoveSounds de Justin Timberlake?) et l'oubli impardonnable de tel autre (The Greatest de Cat Power?).

Ce bilan des années 2000, sans doute parce que je compte parmi le public cible de Pitchfork, me semble assez représentatif de ce qui s'est fait de plus signifiant sur disque depuis l'incontournable Kid A, publié dès la première année de la décade.

Radiohead, à mon sens le groupe rock le plus important des 15 dernières années, voit aussi ses albums Amnesiac (34e) et In Rainbows (21e) inclus dans le palmarès. Ces disques fulgurants se retrouveraient facilement dans mon propre Top 200 des années 2000, comme environ le quart des titres choisis par les critiques de Pitchfork.

Parmi ceux-ci, l'inclassable Illinois de Sufjan Stevens (16e), en ville vendredi dernier dans le cadre de Pop Montréal, le bijou de Wilco, Yankee Hotel Foxtrot (4e), les premiers CD des Strokes (Is This It?, 7e), de Sigur Ros (Ágaetis Byrjun, 8e) et de Franz Ferdinand (101e), le brillantissime Kala de M.I.A. (22e), le foisonnant You Forgot it in People (23e) des Torontois Broken Social Scene, période Feist (The Reminder, 112e), les deux derniers de The National, de LCD Soundsystem et de TV On The Radio, mais un seul Cat Power (You Are Free, son meilleur, 98e).

Le palmarès de Pitchfork souligne aussi avec raison le meilleur de Fleet Foxes, Spoon, Anthony and the Johnsons, Hercules and Love Affair, Vampire Weekend, Of Montreal, PJ Harvey, Beck, Björk, The Postal Service, The Decembrists, Bloc Party, Arctic Monkeys, Elliott Smith, Air, Okkervil River, Herbert, The Go Team!, Justice, et une multitude d'autres albums que je ne connais pas, mais que cette liste m'a donné envie de découvrir au plus vite.

Un fléau banalisé

Ce qui m'a le plus frappé, hier, à la lecture du dossier de ma collègue Nathaëlle Morissette sur le placement de produits dans les fictions télévisées, c'est à quel point le phénomène semble désormais banalisé au Québec.

On peut filmer de façon ostentatoire une bouteille d'eau Eska (premier épisode du téléroman Yamaska) sans que quiconque ou presque s'en formalise. Même des auteurs de fiction trouvent ça normal. Leur association professionnelle, la SARTEC, préfère ne pas se prononcer sur cette question épineuse.

Les auteurs ne sont pas tous du même avis, dit-on, mais on n'entend personne monter au créneau pour s'offusquer ouvertement de cet envahissement publicitaire. Personne pour voir dans la banalisation du placement de produits le travestissement d'une oeuvre télévisuelle.

Bof. Si l'arrimage entre le produit placé et l'intrigue est «harmonieux», rien à redire. Si les producteurs peuvent financer ainsi des téléséries coûteuses, tant mieux. On en est là: la fin justifie les moyens, et notre télévision n'a pas de moyens.

Il y a pire que le placement de produits évident et ostentatoire dans une fiction télévisée: le placement de produits subtil et harmonieux. Le placement de produits efficace et quasi imperceptible auquel aspirent les publicitaires.

Je ne regarde pas la télé pour qu'on m'incite de façon subliminale à la consommation de telle marque d'eau ou de bière. La publicité qui s'annonce comme telle est un mal nécessaire au financement de la télévision. La publicité insidieuse - «clandestine» disent les Français - du placement de produits n'est, elle, rien de moins qu'un fléau. Un fléau qui se répand comme du chiendent, en permettant aux producteurs de boucler leurs budgets.

Ce n'est pas parce qu'un fléau est banalisé qu'il est plus acceptable.

 

Photo: Robert Skinner, archives La Presse

Le groupe Arcade Fire