Chaque fois que je parle des CPE avec des mères américaines et même ontariennes ou albertaines, elles tombent sur le dos.

«Quoi ? Sept dollars ? m'a dit un jour une Californienne, incrédule. Sept dollars par jour ? Je serais déjà très heureuse avec une gardienne à 7 dollars l'heure.»

Avec les Américaines, il faut même faire attention, car, si on leur en dit trop, si on leur parle aussi, par exemple, du congé de maternité d'un an ou du congé parental, elles deviennent méfiantes, comme si c'était irréaliste, donc suspect...

Les autres Nord-Américaines ont raison de nous envier.

Ces programmes valent de l'or.

Littéralement.

Une nouvelle recherche de l'économiste Pierre Fortin montre en effet que les mesures mises en place ici depuis 10 ans ont permis aux familles québécoises de gagner de plus en plus d'argent.

Selon ses calculs, entre 1996 et 2006, la classe moyenne québécoise a vu son revenu annuel disponible augmenter beaucoup plus rapidement que le coût de la vie : notre pouvoir d'achat réel s'est accru de 22 % à 30 %, selon le type de famille.

Selon M. Fortin, cette augmentation est liée notamment à la prospérité qui a caractérisé cette période, mais aussi à la «performance économique remarquable des femmes québécoises» et aux mesures fiscales destinées aux familles.

Donc, en aidant les femmes à aller travailler - des femmes de plus en plus scolarisées, de surcroît -, en mettant sur pied les CPE et des congés de maternité qui sécurisent les futures mères, l'État québécois a réussi à aider les femmes à faire plus d'argent, donc à enrichir leur famille et à consolider leur indépendance financière.

Évidemment, en ces temps d'élections, j'aimerais vous dire que tel ou tel parti politique est plus à remercier pour ces mesures. En fait, ils ont tous fait leur bout de chemin. Dans le spectre politique, ça va du Parti québécois de Lucien Bouchard (et de Pauline Marois), qui a mis en place les CPE, jusqu'aux libéraux fédéraux de Jean Chrétien, qui ont doublé la durée du congé de maternité.

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Le seul qui est à l'écart de cette mouvance visant à encourager les femmes à intégrer le marché du travail, c'est Mario Dumont, qui propose de donner de l'argent aux mères à la maison, pour chaque enfant en bas âge qui n'est pas en garderie.

Cette position est étonnante de la part d'un défenseur du pouvoir d'achat des familles, généralement allergique aux transferts gouvernementaux...

Peut-être ne sait-il pas que les CPE permettent aux parents qui élèvent leurs enfants seuls de décrocher de l'aide sociale pour aller chercher un salaire.

Peut-être que M. Fortin devrait lui dire que le pouvoir d'achat des chefs de famille monoparentale a augmenté de 30 % en 10 ans pour les mères et de 26 % pour les pères, selon ses calculs.

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L'idée de donner de l'argent aux mères à la maison ne sort pas de nulle part, cependant, et tente maladroitement de répondre à de vraies questions.

Il est encore vrai, par exemple, qu'il n'y a pas de place en CPE pour tout le monde. Un problème qui se trouve aggravé par une gestion trop souvent inefficace des listes d'attente par les garderies elles-mêmes.

L'autre problème récurrent, c'est le sentiment qu'ont les mères de toujours être à la course, prises entre la garderie et une réunion au bureau.

Mais même si elles rouspètent, ces mères sont-elles prêtes à abandonner leur salaire pour rester à la maison à attendre le chèque de M. Dumont ?

Pas sûr du tout.

S'il y a un mot-clé que les politiciens devraient prononcer pour attirer l'attention des familles québécoises, c'est plutôt «flexibilité».

Car c'est surtout de flexibilité que les familles ont besoin, actuellement, pour que le travail soit accessible de façon réaliste. Et qu'elles n'aient pas l'impression constante d'être à bout de souffle.

Les partis politiques font bien de vouloir investir dans le réseau des CPE. C'est de l'argent bien placé.

Mais ce n'est pas tout.

Il faut aussi que le milieu du travail, par la souplesse des horaires, le télétravail, l'aménagement même des installations, par des solutions de transport innovatrices, des services de garde en entreprise, par une interface avec le réseau de la santé, etc., accueille les parents à bras ouverts.

Évidemment, personne ne veut envoyer les mères au travail coûte que coûte, comme on l'a fait pendant les grandes guerres, afin que la productivité de la cité soit au max.

Mais on sait tous que le travail, s'il nous convient, c'est bien plus qu'un gagne-pain. Donc, continuons de trouver des façons inédites, comme l'étaient les CPE à leur création, de permettre aux parents d'y avoir facilement accès.