Je ne sais pas si vous vous en souvenez mais, il y a 20 ans, on a aussi eu un été pourri.

Rien à voir avec le climat. L'été a été nul car traumatisé par l'affaire Chantal Daigle, cette fille enceinte qui voulait avorter et contre qui son ex-chum avait demandé une injonction. À l'été 1989, au lieu de se prendre le bec sur la météo, on s'engueulait sur les droits de Jean-Guy Tremblay (dont on ne savait pas encore à quel point il était violent avec ses petites amies) autour de la piscine. Au lieu de parler sans arrêt de pluie, on parlait de Cour suprême, de foetus, de droits, de la vie, de son début et de quand on peut ou on ne peut pas.

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais même si ce ne fut pas un bel été à cause de tous ces déchirements envenimés, des questions importantes ont été tranchées sous le ciel d'août de cette année-là. On a mis les points sur les i. La Cour suprême a donné raison à Daigle (qui avait déjà avorté). Elle a décidé que le foetus n'était pas un être humain. Les hommes ont appris qu'ils ne pouvaient forcer une femme à mener une grossesse à terme. Et depuis, le droit de choisir n'a plus été remis en question.

 

La discussion pénible a porté ses fruits.

Cette année, il faudrait avoir le courage de saisir l'occasion pour replonger dans la vie et la mort afin de parler d'un autre sujet du même registre qu'on ne cesse de balayer sous le tapis: l'euthanasie.

Je sais, je sais...

Mais comme le disait récemment Yves Robert, le secrétaire du Collège des médecins, à un journaliste du Globe and Mail: «Éviter le débat contribue à entretenir l'hypocrisie générale autour de cette question. Dire que cela ne se fait pas parce que c'est illégal est complètement stupide... Nous devons arrêter de nous cacher la tête dans le sable.»

Le Collège doit émettre officiellement un avis sur la question à l'automne. Profitons-en.

Si on le fait, aura-t-on droit, au Québec, à une chicane de famille collective douloureuse à la Daigle? Peut-être. Mais peut-être pas non plus. Le sondage d'Angus Reid montre que les Québecois sont très majoritairement en faveur d'une ouverture. Les trois quarts disent qu'ils sont fortement ou modérément en accord avec la légalisation de l'euthanasie.

L'affrontement idéologique, c'est plutôt à Ottawa qu'il risque d'avoir lieu. Puisque c'est le Code criminel fédéral qui interdit l'euthanasie, on n'a pas le choix d'en parler avec les Canadiens des autres provinces, y compris ceux des régions, disons, plus conservatrices du pays, celles dont on peut se douter qu'elles n'ont pas exactement trouvé géniale la scène de la mort assistée du personnage de Rémy Girard dans les Invasions barbares...

Les groupes religieux qui essaient tout ce qu'ils peuvent, depuis l'arrivée au pouvoir des troupes de Harper, pour remettre en question la légalité de l'avortement se préparent depuis longtemps déjà à contrer tout ce qui toucherait l'euthanasie du bout du doigt.

Donc, débat philosophique, éthique, médical en vue sur fond de confrontation de valeurs avec le reste du pays. Le cocktail pourrait être corsé, surtout si cela se passe sur la scène électorale.

Les politiques auront-ils envie d'y goûter?

Pas sûr.

Mais il faudra finir par le crever, cet abcès. Car la question ne cessera pas d'être posée et reposée par les baby-boomers qui vieillissent, voient leurs parents mourir et n'ont pas envie de finir comme eux. Pas envie de voir leur corps devenir public dans des hôpitaux où on oublie ce qu'est l'intimité, la gêne, la pudeur. Pas envie d'avoir mal, très mal, en attendant que la fin arrive toute seule.

Renouveler la mort passera-t-il par l'euthanasie? Il faudra, un jour, en parler.