La liste des gros problèmes que doit régler Montréal est longue et ardue. Alors pourquoi, en attendant, ne pas commencer par de petites choses, des transformations peu coûteuses qui peuvent commencer illico à changer le visage de la ville ? Pour glaner des idées durant cette campagne électorale municipale, la chroniqueuse Marie-Claude Lortie est allée rencontrer plusieurs Montréalais amoureux de la métropole. Voici l'artiste Jeanie Riddle et ses souhaits pour la cité.

«Peux-tu croire que le casino fait partie des grands attraits touristiques de Montréal et que je n'ai jamais vu la moindre mention, nulle part, du fait qu'il y a une sculpture de Calder à deux pas de là? Qui la connaît, cette sculpture fantastique, à part ceux qui vont au Piknik électronik?»

Attrapée en plein montage d'une nouvelle exposition de BGL, ce trio d'artistes québécois marquant et délirant (imaginez les Trois Accords s'ils avaient étudié ensemble les arts visuels à l'université), Jeanie Riddle explique qu'elle a un parti pris pour l'art urbain. La première chose qui lui vient en tête, pour améliorer la ville, c'est évidemment d'y mettre plus d'oeuvres d'art.

Elle-même artiste reconnue, directrice aussi de la galerie Parisian Laundry, à Saint-Henri, elle prêche pour sa paroisse, c'est clair. Mais de l'art, n'y en a-t-il pas partout, sur les grandes places, dans les parcs, sur les toits, dans les vitrines de toutes les villes qu'on admire et qu'on envie? Paris, Londres, Barcelone, New York...

S'il n'en tenait qu'à elle, donc, Montréal aurait tout simplement beaucoup plus d'art public, de photos suspendues sur les toits, de murales, d'installations et de sculptures comme cette oeuvre, donc, aujourd'hui d'une immense valeur, commandée en 1967 pour l'Expo à l'une des figures de proue de la sculpture contemporaine, le très célèbre artiste américain Alexander Calder.

«Pourquoi, demande-t-elle, ne pas lancer de nouveau un appel à tous pour avoir à Montréal une oeuvre qui, à elle seule, attire carrément les touristes?»

Son idée: quelque chose de frappant comme l'installation géante du Millenium Park à Chicago, avec ses immenses photos qui crachent de l'eau.

Ou alors, pourquoi ne pas s'inspirer du Tate Modern de Londres, musée d'art contemporain installé dans une ancienne centrale électrique au coeur de la capitale britannique, pour faire un musée avec les silos longeant le canal de Lachine, dans le Vieux-Port? (Ces silos dont on croit à tort que, s'ils étaient démolis, on ouvrirait la vue vers le fleuve alors que, en fait, il y a toute la Cité du Havre derrière...)

«Il faudrait que l'art soit dans la ville, un peu comme ils font dans le coin de la fonderie Darling», note-t-elle, en référence au projet Plan large, qui sort les photos dans la rue et permet même aux automobilistes qui passent sur l'autoroute Bonaventure de voir des oeuvres affichées sur les toits.

Ou alors, pourquoi ne pas encourager financièrement ou fiscalement les commerces et galeries qui veulent montrer l'art en vitrine, directement sur la rue, façon Queen Street West à Toronto? demande-t-elle.

Pas bête. Ainsi, on créerait des zones où l'art est visible du trottoir, où on n'a qu'à marcher pour se balader comme dans un musée, scrutant vitrine après vitrine.

Actuellement, les galeries montréalaises sont très éparpillées, de Saint-Henri jusqu'aux abords de la Plaza Saint-Hubert. Oui, certains quartiers comme le Mile End cherchent à créer des circuits piétons où l'on peut aller aisément d'une adresse à l'autre, mais là encore, mis à part celles de la galerie Simon Blais ou du centre Articule, où sont les vitrines où l'on peut voir des oeuvres de l'extérieur?

Si un visiteur demande où est le Chelsea montréalais, on répond quoi? On dit qu'il est au Belgo, cet ancien immeuble manufacturier de la rue Sainte-Catherine Ouest qui abrite aujourd'hui quelques-unes des meilleures galeries montréalaises mais où il n'y a aucune interface avec la rue? On dit que c'est le Mile End? Ou alors Saint-Henri, où les galeries n'abondent pas, mais les ateliers, par contre...

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Plusieurs diront peut-être qu'il y a déjà plein d'art public à Montréal. Il y a la grande politique, la loi du 1%, calquée sur la loi française dès le début des années 60, qui a pour but d'encourager l'achat d'oeuvres d'art et qui a réussi, jusqu'à un certain point, à parsemer la ville d'oeuvres et d'installations diverses, comme celle de la magnifique place Jean-Paul-Riopelle.

Il y a aussi des petits projets ponctuels, comme ceux qui seront mis en place le week-end prochain dans le cadre des Journées de la culture. Je pense aussi à Paysages éphémères, ce projet d'art public du Plateau qui a lieu chaque été, sympathique et vif.

Mais Montréal est-il, dans la rue, quand on y vit, une ville qui respire du même souffle que celui qui a jadis allumé les signataires de Refus global?

On peut en douter en voyant comment l'arrondissement de Verdun a décidé, il y a 10 jours, de mettre au rancart l'installation Milieu humide de l'atelier In Situ, à L'Île-des-Soeurs. Qui aurait cru qu'on verrait, à Montréal, ce genre d'attitude anti-art contemporain réservée d'habitude aux députés réformistes de l'ouest canadien?

Aberrant? Hallucinant comme décision? Plus encore.

Bref, il y a du chemin à faire. Et des poings à mettre sur la table.

Photo: David Boily, La Presse

Jeanie Riddle, sur le toit de la galerie Parisian Laundry, dans Saint-Henri.