Lundi commence la vaste campagne de vaccination anti-A (H1N1) lancée par Québec. Une opération majeure. En Amérique du Nord, cette grippe nécessite des opérations d'immunisation comme on n'en avait plus vu depuis l'initiative anti-polio dans les années 50. C'est très gros.

Bonne nouvelle montrant la prise en charge efficace de cette crise de santé publique par nos gouvernants? Cauchemar organisationnel annoncé? Occasion rêvée de remettre à demain toute décision sur le vaccin?

 

D'abord, difficile de nier que le lancement de cette campagne est, pour les personnes les plus à risque, une décision responsable et essentielle de la part des autorités en santé publique. Oui, la portée réelle des immunisations anti-grippe saisonnière sur les taux de mortalité est remise en question par certains scientifiques. Mais les risques de la grippe A (H1N1) étant particuliers, il semble évident que chez les bébés et les bambins, les personnes immunodéprimées, les travailleurs de la santé, etc., les risques liés au vaccin et les inconvénients liés à la vaccination sont largement mis K.-O. par la virulence potentielle de la maladie.

Ensuite, avons-nous appris cette semaine, jeunes et adultes en santé - donc ceux pour qui le vaccin n'est pas d'une évidente et pressante nécessité, ce qui inclut bien des vaccino-perplexes, expression que je viens d'inventer - ne sont pas convoqués au vaccin avant le 7 décembre, ce qui donne amplement de temps aux sceptiques de ruminer leurs velléités de ne pas aller de l'avant avec l'immunisation.

Évidemment, ensuite, entre deux partys de Noël et trois séances de magasinage, il leur faudra trancher et décider de suivre ou non le mot d'ordre du gouvernement et de passer aux antigènes anti-grippe.

Mais il leur reste un bon mois et demi pour se faire une idée. Et en un mois et demi, on a le temps de voir les autres se faire vacciner, d'entendre parler des cas de A (H1N1) qui se compliqueront, de voir si le programme fonctionne bien et est géré efficacement...

Car ça, ce sera à surveiller.

La direction de la Santé publique a expliqué que dès le lancement de la campagne, personne ne serait refusé aux centres de vaccination, même si on encourage les citoyens à respecter l'ordre de priorités déjà déterminé.

Mais qui parie avec moi que dès le retour au bureau lundi, on aura droit à quelques topos aux nouvelles sur les files d'attente?

La direction de la Santé publique a aussi expliqué qu'elle devrait avoir dès lundi 160 000 doses du vaccin, mais qu'elle recevrait ensuite graduellement toutes les doses nécessaires à la vaccination de 1,4 million de personnes. Pensez-vous vraiment que tout cela arrivera à temps, selon le calendrier prévu?

À peu près au même moment que Québec expliquait son plan, aux États-Unis, le Dr Thomas R. Frieden, directeur au Center for Disease Control, expliquait, en conférence de presse, que la production de vaccins ne va pas aussi rapidement qu'on espérait. Apparemment, le processus de croissance du matériel biologique, dans des oeufs, se passe pas mal plus lentement que ce que les manufacturiers estimaient possible. «Nous ne sommes même pas proches d'où nous pensions être à ce stade», a dit M. Frieden.

Qu'en sera-t-il ici? Pouvons-nous nous permettre de croire que nous serons plus ponctuels que les Américains?

En fin de compte, peut-être que tous les vaccino-sceptiques n'auront même pas à décider s'ils se font vacciner. Peut-être que le 7 décembre, il n'y aura toujours pas assez de vaccins, peut-être qu'il y aura du retard dans le processus de vaccination et qu'on nous enjoindra à tous d'attendre encore un peu...

Peut-être aussi que l'impact de la pandémie se sera précisé et que la réponse à nos interrogations sera claire, dans un sens ou dans l'autre.

Lundi, Québec lance une vaste campagne de vaccination anti-A (H1N1). Que devons-nous en penser? Qu'il y en a pour tous les goûts. Que ceux qui sont pressés peuvent aller se faire vacciner après-demain matin. Que les lambins pourront attendre. Et que les sceptiques, qui font actuellement l'objet de toutes sortes d'accusations d'irresponsabilité sanitaire, ont encore un bon sursis avant de devoir se brancher. Ils ont même une excuse toute faite pour se justifier de ne pas encore être passés à la seringue: «Ce n'est pas que je suis contre, j'attends juste que ce soit mon tour.»