La deuxième vague de H1N1 est derrière nous, a annoncé jeudi le ministre de la Santé, Yves Bolduc. Ouf.

On ne peut pas dire que ce n'est pas une bonne nouvelle pour commencer l'année, ça. Enfin.

Surtout que la pandémie a été beaucoup moins grave que prévu. Oui, il y a eu des tragédies individuelles, d'une cruauté impitoyable. Car on sait tous que même si le taux de mortalité a été de moins de 0,1%, ceux qui ont été touchés l'ont été à 200%.

Mais d'un point de vue global, général, si on la regarde du haut de la plus haute tour de ce pachyderme, de ce paquebot qu'est la santé publique, cette grippe s'est finalement plutôt bien conduite.

Avec ses 2483 hospitalisations rendues nécessaires à cause de complications grippales et ses 82 morts au Québec depuis le début de la seconde vague, le 30 août dernier, cette pandémie n'a rien eu à voir avec les scénarios catastrophe qui ont commencé à nous venir à l'esprit quand, au printemps dernier, sont arrivées les premières nouvelles du Mexique au sujet de cette influenza qui frappait non seulement très fort, mais frappait aussi très jeune.

Aujourd'hui, assis dans nos salons, en 2010, j'avoue que l'envie est même forte de dire qu'on a totalement surévalué la gravité de cette pandémie.

Qu'on a réagi de façon exagérée.

Et que donc, on a l'air totalement ridicules avec nos 2 millions de doses de vaccin en trop, qu'on peut maintenant revendre ou donner.

Mais avons-nous réellement été excessivement prudents? Et est-ce vraiment réaliste de croire que nous aurions pu être responsables, comme société, en faisant preuve de moins de précautions et en ne lançant pas une campagne de vaccination aussi massive que celle qui a eu lieu?

Pour en avoir le coeur net, j'ai donné un coup de fil, vendredi, au Dr David Buckeridge, épidémiologiste de McGill ultra calé - en plus de son diplôme de médecin et de sa maîtrise en épidémiologie, il a un doctorat en informatique biomédicale - qui planche sur ce dossier depuis le début, à plusieurs titres.

Et ce que le Dr Buckeridge m'a expliqué, c'est que les données, dont l'analyse est encore très préliminaire, semblent montrer qu'il y a eu une baisse de la courbe d'incidence de la grippe, après la mise en marche de la campagne de vaccination au Québec, compte tenu des délais nécessaires pour que les vaccins commencent à être efficaces.

Selon ce spécialiste, la décision de vacciner la population était donc la bonne. Mais elle était surtout la bonne à prendre, quand elle a été prise.

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Toute la machine a en effet commencé à se positionner au printemps dernier, rappelez-vous. Autant dire il y a deux siècles, tellement l'évolution de cette crise a été rapide.

«Des décisions ont dû être prises très tôt et, à l'époque, les rapports provenant du Mexique faisaient état d'une situation très grave», rappelle le chercheur.

Très tôt, donc, alors qu'on savait très peu de chose de ce nouveau et furieux virus et qu'on brassait encore de mauvais souvenirs allant du SRAS jusqu'à la grippe espagnole de 1918, il a fallu prendre de grosses décisions. Mettre le paquebot en marche. Le sortir du port. Voir comment on le ferait naviguer.

Pendant ce temps, les informations ont commencé à changer. Rapidement. Maladie pas aussi mortelle que prévu. Propagation hyper-rapide. Complications inhabituelles mais maîtrisables. Tragédies chez des jeunes. Plus le temps avançait, plus on se rendait compte que le scénario changeait.

Quand on est un individu, on peut alors, tel un conducteur de motomarine, changer de direction, revenir en arrière, tourner, repartir et remettre 14, 23, 47 fois en question la décision sur l'opportunité ou non d'être vacciné.

Mais le paquebot, lui, non. Le paquebot qu'est une opération de santé publique en réaction à une pandémie devait avancer, lourd, sans subtilité.

«Non seulement c'est comme piloter un paquebot, c'est comme piloter un paquebot avec un radar qui ne marche pas toujours bien et avec beaucoup de brouillard», explique le Dr Buckeridge.

L'important, à ce moment-là, c'était donc d'arriver au port sans heurter d'iceberg, quitte à faire des manoeuvres qui semblent peut-être trop spectaculaires a posteriori.

Évidemment, quand la facture est de 200 millions et qu'on se retrouve avec 2 millions de doses de vaccin en trop, on peut aussi se demander s'il n'y a pas moyen d'être moins extravagant la prochaine fois.

À méditer entre deux bisous. C'est de nouveau permis.