Difficile de décrire la variété de sentiments qui m'ont traversée en lisant samedi le blogue du maire du Plateau, Luc Ferrandez (www.lucferrandez.com), au sujet de sa semaine passée à gérer ce qu'il considère comme une tempête médiatique dans un verre d'eau autour d'une éventuelle restructuration de la tarification du parking dans son arrondissement.

Malheureusement, vous ne pourrez pas avoir droit à ce festival de réactions - amusement, consternation, stupéfaction, hilarité... - car le texte n'est plus en ligne. C'était unique, très baveux, mais drôle aussi. Un texte mû par beaucoup de frustration et saupoudré de condescendance, mais aussi de candeur et d'une bonne rasade de lucidité.

 

Aussi rigolo qu'inapproprié, autant du point de vue politique qu'informationnel, ce récit de politique-journalisme-fiction nous donnait une idée de ce que pourrait être la discussion citoyenne municipale 2.0 si tout le monde avait une carapace d'acier et un sens de l'humour néo-voltairien.

Du blogue politique extrême, quoi.

Trop, d'ailleurs. C'est pourquoi le maire élu en novembre, à la tête du seul arrondissement sous le contrôle de Projet Montréal, s'est laissé convaincre de retirer le texte de son blogue avant même que le week-end ne se termine.

Ferrandez, fâché de sa semaine, y expliquait comment, selon lui, les journalistes ont agi pour que ce qu'il considère comme une non-nouvelle concernant la future restructuration tarifaire du parking sur le Plateau-Mont-Royal se retrouve en manchette.

Sauf qu'au lieu de raconter le tout avec la langue de bois politicienne habituelle, il est resté campé dans son rôle de blogueur. Et qu'au lieu, par exemple, de simplement dire que la nouvelle n'en était pas une et avait tout simplement grossi vu l'absence d'autres nouvelles au retour des Fêtes, il a mis en scène des personnages de journalistes, parfois vrais, parfois imaginés, et reconstruit un scénario fictif des événements, sur trame de vérité - ou du moins sa vision des faits.

C'est ainsi qu'il s'est imaginé les journalistes en train de finir leurs carrés aux dattes, à l'ombre du sapin encore décoré, contemplant des cadeaux pas déballés, ou alors un réalisateur de télé préférant grossir la nouvelle du parking sur le Plateau pour éviter d'avoir à passer tout son bulletin sur les bases terroristes au Yémen et, en plus, à payer pour une carte géographique de ce pays du Golfe.

J'aurais aimé pouvoir vous citer dans le texte les phrases les plus savoureuses. Ce gars-là est un bon conteur. D'une banale semaine de mini-crise médiatico-politique, il a fait un récit haut en couleur qui se dévorait du début à la fin. Le Fred Pellerin de la politique municipale.

«Je voulais transformer ma colère en humour», m'a expliqué hier M. Ferrandez.

«Ce blogue, c'est une tentative de communication directe avec les citoyens», dit-il. Un essai. Une expérience. Et le ton badin du récit de la semaine dernière était une façon, explique le maire, d'essayer de montrer aux citoyens comment un petit morceau d'information peut s'emballer. «J'aurais pu faire une plainte officielle contre les journalistes, mais je me suis dit: essayons autre chose.»

Je vous l'ai dit, quand j'ai lu le texte, je suis passée par mille réactions. D'abord, j'ai adoré le ton, surtout qu'il commençait par une petite baffe lancée à un autre maire qui avait critiqué son plan concernant le déneigement. Tiens, me suis-je dit, on va s'amuser. Le maire Projet Montréal va dire aux autres maires ce qu'il pense réellement. Enfin, de la politique vraiment différente.

Ce n'est pas tant quand il a commencé à critiquer les journalistes que lorsqu'il s'est mis à faire de la fiction que j'ai un peu déchanté. Soudainement, le sérieux - dans le sens de crédible - venait de prendre le bord et on venait de tomber dans le ridicule comme sur tant de blogues amateurs. Critiquer, oui. Inventer, non. Dommage, ce faux pas, car on s'en allait quelque part avec ce nouveau genre.

Cela dit, le maire a compris lui aussi qu'il était en terrain glissant. Il a donc fait le ménage dans ses propos. Le blogue a été réformé. Corrigé. La fiction est partie. La critique des médias n'y est plus. Reste ses explications sur son ébauche de projet concernant le parking, où on retrouve quand même encore des phrases du type: «Toutes ces propositions vont être débattues; réfléchies, soupesées, complétées et, au bout du compte, la situation sera bien plus équitable pour tout le monde que le free for all actuel où c'est le même cochon de payeur de taxes qui paie pour tout le monde.»

Ce n'est pas aussi hilarant qu'avant. Mais la réalité, assure l'homme politique, «c'est que j'ai ben de la misère à être super straight».

Pour ceux qui s'inquiètent de la réforme du parking, voici le mot de la fin. Les réformes ne sont pas encore du tout coulées dans le béton. Elles commenceront à être mises en place à l'automne. Donc, il y a encore place à la discussion. Ce que le maire aimerait, c'est mieux gérer le parking en permettant, par exemple, à ceux qui louent des voitures d'avoir accès à des vignettes temporaires et aux commerçants du Plateau d'acheter des vignettes. Il veut aussi régler les problèmes dans les rues où il y a plus de vignettes de résidants que de places. Le maire veut aussi diminuer l'espace consacré au parking, notamment pour dégager les carrefours, comme le veut le règlement. Et il veut augmenter les sources de revenus sans augmenter les taxes.

Un petit carré aux dattes, avec ça?