Si je vous dis Texas, vous allez penser à George W. Bush, c'est sûr. Et probablement aussi aux bottes et aux chapeaux de cowboy, au barbecue avec sauce ultra-piquante, à des clichés de cactus perdus dans le désert, au Rio Grande et à la frontière «sécurisée» qui sépare cet État du Mexique.

Sauf que le Texas, c'est aussi Austin, capitale de l'État, ville universitaire, bastion d'irréductibles progressistes connu pour sa réceptivité musicale et qui a produit des gens comme Lance Armstrong ou Janis Joplin ainsi que des entreprises comme Dell ou le géant de l'alimentation bio et naturelle Whole Foods. Austin, petit bleuet démocrate perdu dans la soupe aux tomates républicaine, c'est aussi la ville qui, chaque année, invite des dizaines de milliers de créateurs d'avant-garde du monde entier, dans le cadre d'un festival appelé South by Southwest.

Créé en 1994 comme un festival consacré à la musique, au cinéma et au «multimédia», SXSW est devenu en 16 ans un pèlerinage forcé dans le monde de l'interactivité de pointe.

On y parle encore de musique et de films et, cette année, la moitié des 25 000 à 30 000 cartes d'entrée émises sont destinées aux participants à ce volet du festival.

Mais le sous-volet du festival qui se trouvait cool de s'ouvrir au nouveau marché des CD-ROM en 1994 est surtout devenu, avec le temps, un énorme point de rencontre branché dans tous les sens du terme, un laboratoire et un tremplin social et techno où se retrouvent, le temps de quelques verres de tequila, de discussions officielles et de beaucoup de rencontres informelles, tous les penseurs et créateurs du monde interactif de demain.

En 2007, par exemple, c'est là que Twitter a finalement pris son envol, explique Hugh Forrest, directeur exécutif de SXSW. Le site de réseautage social existait déjà, mais il n'était pas très utilisé. Pour lui donner du souffle, ses créateurs sont venus le présenter à SXSW, en multipliant les activités de promotion. Les participants au festival ont vite embarqué. Et leur enthousiasme s'est ensuite répandu pour faire de ce service de microblogage l'incontournable outil de communication que l'on connaît dans le monde entier.

«Présenter quelque chose ici et avoir du succès n'est pas une garantie de succès dans le public en général», précise M. Forrest. Les participants de SXSW sont si avant-gardistes, surtout en matière de techno, que parfois ils restent seuls à adorer tel ou tel logiciel. Et parfois il peut aussi y avoir un décalage de deux ou trois ans entre l'adoption de quelque chose par les gens de SXSW et le reste du public, comme ce fut le cas pour Twitter. Mais si on veut parler aux gens d'influence, aux adopteurs précoces, aux fureteurs, c'est ici qu'il faut se rapporter.

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Gowalla, Foursquare, Chatroulette, Yelp, Square... On entend ces mots partout depuis le début du festival. Retenez-les. Il y a de bonnes chances qu'on s'en reparle dans quelques années. Yelp transforme le cellulaire en sorte de compas détecteur d'adresses. Foursquare permute le partage de bonnes adresses en jeu, Square permet de convertir un téléphone en lecteur de cartes de crédit...

À SXSW, on est totalement enchanté, dépassé, émerveillé, étourdi...

«Oh, je me rappelle quand c'était LE téléphone à avoir», m'a dit samedi une jeune femme, pleine de bonnes intentions, en regardant mon BlackBerry comme s'il s'agissait d'un téléphone à roulette. Ici, tout le monde a nécessairement un iPhone ou alors un portable fonctionnant avec le système Android de Google. Dans les conférences, les notes se prennent directement sur l'ordi portable - pratiquement que des Macbook Pro - qui sont tous, évidemment, branchés à l'internet grâce à un réseau sans fil méga convivial. Comme tout le monde est en ligne, les participants commentent directement les discussions sur Twitter et, souvent, le fil de discussion est affiché à un écran géant. Les conférenciers se voient donc critiqués ou loués, en direct, pendant qu'ils parlent.

Pendant ce temps, les collègues et amis s'échangent messages et liens, assistent virtuellement à plusieurs ateliers en même temps. C'est le temps du lunch? On regarde sur Twitter où est rendu le vendeur de tacos, sur Foursquare à quelle terrasse sont installés les copains, et sur foodspotting.com, les photos des plats servis par le café du coin, prises par d'autres gourmets qui ont jugé bon de les partager...

Car au-delà des conférences et des discussions, SXSW, c'est surtout une occasion de retrouver en personne, pour vrai, les gens de la grande communauté créative du web, explique Nicolas Bertrand, qui dirige, de Silicon Valley, la gestion des produits à la société Share This - logiciel qui permet de partager des trucs qu'on trouve intéressants sur le web et donc, ensuite, de mesurer les intérêts des internautes.» On revoit les amis et collègues, on rencontre des gens pour des partenariats», explique-t-il.

Il y a beaucoup de brassage d'affaires technos à SXSW. Mais peu de gens ont des cartes professionnelles. Trop an 2000. Sur les cartes d'identité des participants, il y a plutôt un code QR (sorte de code-barres nouvelle génération), que l'on prend en photo avec son téléphone intelligent et qui, une fois lu par un logiciel téléchargeable, nous envoie sur une page web, un blogue ou toute autre façon pertinente de savoir à qui on a affaire.

Une téléportation avec ça?