Pauline Marois a un problème d'image. Elle le sait, son parti politique le sait, le Québec au grand complet le sait.

«Elle est perçue comme snob, une politicienne sans sens de la répartie, incapable de mettre en capsule son message pour les médias électroniques. Les électeurs jugent qu'elle est loin de leurs problèmes, on la trouve hésitante.»

Ce constat brutal vient du parti de Mme Marois. Ce sont ses stratèges qui ont dessiné ce portrait assassin.

Snob, Mme Marois? Peut-être. Grande bourgeoise? Certainement. Elle vit dans un manoir à L'Île-Bizard. Pour cueillir son journal à la grille de son château, le matin, elle doit parcourir un kilomètre. Combien de Québécois franchissent un kilomètre pour se rendre au bout de leur jardin?

 

Hier, elle s'est présentée à la rencontre éditoriale de La Presse habillée avec sobriété: robe noire et simple, bijoux discrets. La Presse venait de publier des extraits du document interne qui étale ses faiblesses. Elle l'attendait de pied ferme, la question sur son image de femme snob et hautaine. Elle avait préparé sa réponse.

«C'est vrai, ce document existe, a-t-elle reconnu. C'est mon problème depuis des années. Il faut que les gens connaissent la vraie Pauline Marois. (...) J'aime le monde. Les gens me disent: «Mon Dieu! Vous êtes simple!» Ben oui, je suis comme ça, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse. C'est de même que je suis.»

La simplicité a pris du temps à atteindre sa garde-robe. On a beaucoup reproché à Mme Marois ses tailleurs chics, ses bijoux voyants et ses grands foulards qui font davantage Old Renfrew que Reitmans.

Par contre, on n'a jamais critiqué Jacques Parizeau pour ses complets trois pièces très british et on ne lui a jamais remis sur le nez, comme une tare inavouable, son enfance dorée dans une famille ultra-bourgeoise. Son père avait fait fortune dans les assurances. Pauline Marois, elle, a des origines modestes. Sa mère faisait des ménages et son père était mécanicien.

Et personne n'a reproché à André Boisclair ses habits signés par le designer Philippe Dubuc. Pourquoi cet acharnement vestimentaire sur Pauline Marois?

Le Québec est-il sexiste? lui a-t-on demandé hier.

Celle-là aussi, elle l'attendait.

«Il y a un regard différent sur les femmes, a-t-elle répondu. On pardonne plus facilement à un gars d'avoir l'air fatigué. Si c'est une femme, on se demande: est-elle capable de faire la job?»

Un peu fort.

Oui, le double standard existe et les femmes sont parfois désavantagées. Les rides chez un homme sont un gage de maturité. Chez la femme, elles suscitent de l'inquiétude. Trop vieille?

Mais le sexisme s'arrête là. Si Mme Marois n'est pas élue première ministre le 8 décembre, ce ne sera pas la faute des méchants machos. Les Québécois vont la juger sur son leadership, son charisme ou sur l'option souverainiste de son parti. Pas sur son appartenance à la gent féminine, la profondeur de ses rides ou la couleur de ses robes.

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Hillary Clinton s'est fait battre à la convention démocrate parce qu'elle affrontait un adversaire redoutable, charismatique, Barack Obama. Elle n'a pas perdu parce qu'elle était une femme ou parce que certains médias l'ont montrée sous un éclairage cru qui accentuait ses rides et ses poches sous les yeux.

Quant à Sarah Palin, elle a échoué parce qu'elle était d'une sidérante incompétence. Comment peut-on espérer devenir vice-présidente des États-Unis quand on croit que l'Afrique est un pays? Rien à voir avec la misogynie.

Mme Marois a insinué que le sexisme latent des Québécois pouvait lui nuire.

«Je rêve que c'est fini, a-t-elle dit hier, que ce n'est plus vrai, mais de temps en temps ça revient. On vit avec cette réalité.»

Cette façon peu subtile de jouer à la victime est agaçante. Barack Obama n'a jamais essayé de surfer sur la couleur de sa peau pour gagner des votes.

Si les Américains sont prêts à élire un Noir, les Québécois le sont certainement pour choisir une femme.