Pierre Mainville, conseiller dans Ville-Marie, marche d'un pas lent, dépose ses feuilles sur un lutrin, regarde les journalistes, s'éclaircit la gorge et commence à parler.

«Il y a un an, je croyais que l'arrivée de Benoit Labonté à la tête de Vision Montréal pourrait nous permettre un renouveau mobilisateur et, ainsi, de gagner la mairie de Montréal. Aujourd'hui, je n'y crois plus.»

 

Et il poursuit en critiquant son chef: pas un homme d'équipe, manque total de transparence et d'empathie avec le caucus, décisions prises en groupe restreint avec des conseillers parfois inconnus des élus.

Pierre Mainville siégera dorénavant comme indépendant. Avec son départ, Benoit Labonté perd sa majorité. Cinq élus siègent au conseil d'arrondissement de Ville-Marie: deux de Vision Montréal, deux d'Union Montréal (le parti du maire Gérald Tremblay) et un indépendant, Pierre Mainville.

M. Mainville a donc la balance du pouvoir. Dans Ville-Marie, un arrondissement stratégique. Il aura droit de vie et de mort sur les décisions qui touchent le centre-ville, le coeur de la métropole.

Pierre Mainville n'est pas le conseiller du mois. C'est un homme affable, un retraité qui a travaillé 31 ans comme technicien à Radio-Canada.

Il a été élu en 2005 sous la bannière de Vision Montréal. Ses interventions au conseil d'arrondissement n'ont jamais été transcendantes... quand on les comprenait, car il a la fâcheuse habitude d'avaler ses mots.

On est loin de la bête politique.

Il est modeste, il connaît ses limites. «La politique, c'est nouveau, admet-il. Je suis en apprentissage. Je n'ai pas la finesse qui me permettrait de tout comprendre.»

Ce néophyte de la politique - qui s'égare facilement dans les méandres des dossiers complexes et avoue candidement qu'il n'y comprend pas grand-chose -, ce néophyte, donc, se retrouve avec la balance du pouvoir.

Dans un moment critique. Dieu sait que 2009 ne sera pas une année facile avec la récession qui s'abat sur le Québec, les élections municipales de novembre et la guerre politique qui oppose Gérald Tremblay à Benoit Labonté.

Comment peut-on abandonner le sort du centre-ville entre les mains de Pierre Mainville? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la politique municipale. Appelons cela les aberrations de la micro-démocratie.

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Les citoyens ne sont guère mieux servis avec Benoit Labonté, qui perd ses collaborateurs les uns après les autres.

La liste est longue: Yves Lemire, directeur général, Robert Laramée, directeur général et conseiller politique, Pierre D'Amours, chef de cabinet, Stéphane Dion, chef de cabinet, Claire Saint-Arnaud, conseillère et leader de l'opposition, Félix-Antoine Jolicoeur, attaché politique.

Ils ont tous claqué la porte.

Ça frise l'hémorragie.

Même s'il y a de moins en moins de monde dans le bateau de Vision Montréal, Benoit Labonté reste impassible, sûr de lui.

J'ai parlé à plusieurs de ses anciens collaborateurs. La liste des reproches est aussi longue que celle des départs: il ne consulte pas et n'a pas d'esprit d'équipe, il ne travaille pas avec les élus, il ne connaît pas le fonctionnement de la machine politique, il est contrôlant, il manque de leadership, il est incapable de mettre son poing sur la table.

«Au lieu de rassembler, il fait le vide autour de lui», a ajouté un ex-collègue.

Un autre lui a déjà demandé: «Veux-tu aussi être chef de cabinet et attaché politique?»

J'ai balancé toutes ces remarques à Benoit Labonté. Il m'a regardée, mi-éberlué, mi-amusé. «Vous voulez que je réponde à tout ça?» a-t-il dit.

Puis il a enchaîné: «Il y a certaines décisions qu'on prend seul. S'ils voulaient une mauviette, ils se sont trompés de personne.»

N'empêche, le parti et le chef en arrachent. Lorsque Benoit Labonté a été nommé à la tête de Vision Montréal, en mars, le parti vivotait. Seulement deux arrondissements sur 19 avaient des associations locales et il n'y avait que 92 membres actifs.

Le parti dormait au gaz depuis 2005, c'est-à-dire depuis le départ de Pierre Bourque. Chaque conseiller faisait sa petite affaire. Vision Montréal était devenu une coquille vide qui roulait sur les restants de Pierre Bourque.

Avec l'arrivée de Benoit Labonté, Vision Montréal a repris du poil de la bête. La plupart des arrondissements ont créé une association locale et le recrutement des membres a redémarré.

Quant à l'état des finances du parti et au coût de la course à la direction, M. Labonté refuse d'en parler. Course est un grand mot, d'ailleurs: M. Labonté était le seul à convoiter le poste.

Pourquoi un tel mutisme?

Si Benoit Labonté continue à pratiquer la politique de la terre brûlée en faisant le vide autour de lui, il risque de trouver l'année 2009 longue et de se faire manger tout rond par Gérald Tremblay.

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