Mardi, le président du conseil d'administration de la SHDM, Jean-Claude Cyr, jurait qu'il avait fait le ménage. Depuis qu'il a été nommé en décembre, la Société d'habitation et de développement de Montréal a mis en place de nouvelles règles de gouvernance. Tout est beau, tout va bien, la SHDM a refait sa virginité et lave plus blanc que blanc.

M. Cyr a fait cette déclaration après avoir lu les rapports du vérificateur et de la firme Deloitte sur les transactions douteuses effectuées par la SHDM sous la gouverne de son ancien directeur, Martial Fillion. Un catalogue d'histoires à dormir debout et de mauvaise gestion. Le vérificateur a décidé de remettre le tout entre les mains de la police, un geste exceptionnel qui souligne la gravité de la chose.

 

La SHDM gère le parc immobilier de la Ville évalué à plus de 300 millions. En 2006, l'entourage du maire Tremblay a manoeuvré pour changer le statut de la SHDM qui est devenu un organisme privé. Conséquences: plus un seul élu ne siégeait au conseil d'administration et la SHDM n'était plus assujettie à la Loi sur l'accès à l'information.

Et c'est pendant que la SHDM était un organisme privé que les transactions douteuses ont été bouclées.

Cette transformation s'est faite en cachette, à l'insu du ministère des Affaires municipales. La ministre Nathalie Normandeau était contrariée. «On s'en est fait passer une p'tite vite», m'a-t-elle dit mardi soir.

L'architecte de cette transformation: Robert Cassius de Linval, directeur des affaires corporatives à la Ville. C'est lui qui a pris Mme Normandeau pour une valise. «Je trouve ça un peu ordinaire», a précisé la ministre.

Robert Cassius de Linval est membre du conseil d'administration de la SHDM, la nouvelle SHDM, celle qui lave plus blanc que blanc. Que fait-il là?

Et son rôle ne s'arrête pas à ces sparages juridiques effectués dans le dos de Québec, il a aussi passé par-dessus la tête de l'ancien patron du service des transactions immobilières à la Ville, Joseph Farinacci, à l'époque où le promoteur Catania voulait acheter le terrain du Faubourg Contrecoeur.

La Ville voulait vendre le terrain à la SHDM au prix de 1,6 million. M. Farinacci était contre, farouchement contre. La transaction a quand même eu lieu. La SHDM l'a vendu à Catania 4,4 millions, même s'il était évalué à 23,5 millions.

«J'ai refusé de recommander cette vente au comité exécutif parce que la Ville allait subir un manque à gagner substantiel», m'a confié M. Farinacci, hier.

Robert Cassius de Linval est intervenu et le dossier a finalement été adopté en douce par le comité exécutif. «On a passé par-dessus ma tête. Pour moi, c'était un bris de confiance, a ajouté M. Farinacci. J'ai été voir le directeur général de la Ville, Claude Léger, et je lui ai tout raconté.»

La rencontre n'a rien donné. M. Farinacci n'en démordait pas, il refusait d'être associé à la transaction. Il a remis sa démission à M. Léger.

Claude Léger, le plus haut fonctionnaire de la Ville, n'a rien fait pour bloquer la vente du terrain à Catania. Au contraire.

Dans un deuxième rapport du vérificateur rendu public hier, on y lit que Claude Léger est intervenu auprès de la SHDM. Jusqu'où est allée son intervention? Gérald Tremblay était-il au courant de cette ingérence? Si non, il était bien le seul dans les hautes sphères de la Ville à tout ignorer du dossier Catania.

C'est un peu gros, non? M. Tremblay n'est pas un petit nouveau en politique comme le maire Labeaume à Québec. Il a été ministre dans le gouvernement libéral de Robert Bourassa et il est maire de Montréal depuis sept ans et demi. Il est avocat et il a une maîtrise en administration de la Harvard Business School de Boston.

Alors le naïf, le bon gars qui tombe des nues, ça commence à faire.

Autre fait troublant, c'est la firme Octane qui s'occupe des relations de presse de la SHDM depuis plusieurs années. Or, un des associés de la firme, Pierre Guillot-Hurtubise, travaille aussi pour Catania.

Aberrant.

Le grand patron de la SHDM, Jean-Claude Cyr, me jure qu'il n'était pas au courant. Pourtant, tout le monde à la SHDM sait que M. Hurtubise s'occupe des relations de presse de Catania dans le dossier du couvent des soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie. Un contrat qui a débuté en juillet 2008.

Octane mène les deux dossiers de front. Ou plutôt menait. Mardi soir, j'apprenais la nouvelle à M. Cyr. Le lendemain matin, Octane perdait le contrat de la SHDM.

M. Cyr est en poste depuis cinq mois. Il n'a rien vu. Il me semble qu'il y a beaucoup de sourds et d'aveugles dans toute cette histoire.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca