Encore une école internationale. À partir de juillet, Mont-Royal, une école secondaire publique située dans l'arrondissement de Mont-Royal, va changer de vocation et devenir internationale. Au menu: sélection féroce des élèves et imposition de droits de scolarité annuels variant entre 550$ et 750$.

«Pas des droits de scolarité, mais une contribution financière demandée aux parents», a précisé la porte-parole de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, Brigitte Gauvreau.

 

Cette précaution oratoire ne change rien à la réalité: exiger de tels frais est illégal. L'école publique est gratuite, point à la ligne. L'article 3 de la Loi sur l'instruction publique est clair: «Tout résident du Québec a droit à la gratuité des services éducatifs.»

Ce n'est pas illégal, car les parents font un choix, a répliqué la commission scolaire. S'ils ne veulent pas payer, ils n'ont qu'à inscrire leur enfant au secteur régulier.

Faux.

J'ai posé la question au ministère de l'Éducation. La réponse ne laisse place à aucune ambiguïté: «Aucune école, y compris les écoles internationales, ne peut exiger des frais annuels pour des services réguliers d'enseignement», a répondu Pierre Noël, le responsable des relations avec la presse.

Les parents qui ont payé des droits de scolarité pour inscrire leur enfant dans une école internationale pourront-ils demander un remboursement?

«Je ne peux pas répondre à cette question», a dit Pierre Noël.

Dans un avis publié en avril 2007, le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) a fait le tour des écoles à vocation particulière, dont le nombre a explosé depuis une vingtaine d'années. Les écoles publiques cherchent désespérément une façon de concurrencer le privé. Une des solutions: multiplier les écoles à vocation particulière: musique, sport, arts, etc., sans oublier les écoles internationales, qui, elles, recrutent les meilleurs élèves, la crème de la crème.

Selon le CSE, le Québec comptait 93 écoles secondaires internationales en 2005-2006, la plupart dans le secteur public. Combien exigent une «contribution financière»? Le Ministère l'ignore. Le président de la société qui regroupe les écoles internationales aussi.

En juin 1992, le principe de la gratuité a été inscrit dans la Loi sur l'instruction publique. Les articles 256.1 et 258 stipulaient que «tout service d'enseignement qui se donne entre le premier et le dernier jour du calendrier scolaire doit être gratuit».

En 1994, un groupe de parents a décidé de ne plus payer les frais de 500$ exigés par une école internationale de la défunte CECM. Devant le bras de fer qui opposait les parents à la commission scolaire, le Ministère a consulté ses avocats. Conclusion: l'école a agi dans l'illégalité.

En 1997, le gouvernement a adopté une nouvelle Loi sur l'instruction publique. Les articles touchant la gratuité ont été clarifiés. Ils précisent notamment que le matériel didactique doit être gratuit. Articles 7 et 230.

La notion de matériel didactique est large: «Lorsqu'un objet est soit spécialisé, soit coûteux, et, dans tous les cas, requis pour un cours spécifique ou un programme précis, il s'agit nécessairement de matériel didactique qui doit être fourni gratuitement par la commission scolaire, sinon cet objet ne peut être que facultatif*.»

Est-ce que cette définition inclut les instruments de musique, l'équipement sportif ou tout autre matériel que les parents paient de leur poche?

«Si les enfants sont inscrits dans un programme enrichi, c'est le choix des parents. Il y a donc des coûts qui s'ajoutent», a répondu M. Noël.

N'empêche, la loi est limpide: le matériel doit être gratuit. Pourquoi les parents doivent-ils payer?

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Pour concurrencer le privé, l'école publique est prête à tout, ou presque, même à brader ses principes. Comment la blâmer? Le privé la gruge de plus en plus. La situation est particulièrement aiguë à Montréal.

En 1995, 24% des élèves de Montréal fréquentaient une école privée. Dix ans plus tard, ce chiffre avait grimpé à 31%. Un élève sur trois, comparativement à un sur quatre dans les années 90.

Le public essaie de se battre avec les armes du privé pour conserver ses bons élèves: multiplication des projets à vocation particulière, sélection des plus doués dans des programmes d'élite... et imposition de droits de scolarité.

Cette course effrénée à la clientèle entraîne des dérives. Le système d'éducation est schizophrène, écartelé entre le privé, lourdement subventionné par l'État, et le public, de plus en plus affaibli par le privé.

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de l'éducation. La solution passe par l'abolition des subventions au privé, mais le sujet est tabou. L'immense majorité des politiciens refuse de soulever cette question. Mais pendant que Québec se met la tête dans le sable, le système, lui, devient de plus en plus schizophrène.

* Groupe de travail sur les frais exigés des parents. Ministère de l'Éducation, août 2004.

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