Thierry Vandal a manqué de jugement en acceptant qu'Hydro-Québec verse 450 000$ à deux écoles privées qu'il a fréquentées, Notre-Dame et Brébeuf.

Un manque de jugement renversant de la part d'un homme qui gère une société d'État dont les revenus annuels frisent les 13 milliards par année.

 

M. Vandal s'est-il placé en conflit d'intérêts? Oui, même s'il n'a enfreint aucune loi. Il préside le conseil d'administration de Notre-Dame. Il aurait dû éviter de lui donner de l'argent. C'est une évidence.

Hydro reçoit 2000 demandes de dons et de commandites par année. Un comité effectue un tri, puis achemine les dossiers à un deuxième comité composé de quatre personnes, dont Thierry Vandal.

Lorsque ce comité a décidé de verser 250 000$ à Notre-Dame, M. Vandal s'est retiré. Les règles d'éthique sont de véritables passoires. Il suffit de se retirer et hop! Le conflit d'intérêts est effacé. Trop facile. En se retirant, M. Vandal a implicitement admis qu'il se plaçait dans une situation délicate.

Hydro affirme qu'elle a des critères pour distribuer les 25 millions qu'elle verse chaque année en dons et commandites. Sauf que ces critères se résument à une longue liste d'organismes regroupée dans un document d'une soixantaine de pages. Point final.

L'argent devait permettre à Notre-Dame d'améliorer ses installations sportives. Pourtant, en 2007, le ministère de l'Éducation a donné 800 000$ au collège pour aménager un terrain de soccer-football. Notre-Dame n'avait pas besoin des 250 000$ d'Hydro. Une autre évidence.

Hydro s'est défendue en disant que l'argent allait permettre aux jeunes de Côte-des-Neiges d'utiliser les installations du collège. C'est vraiment n'importe quoi. Notre-Dame devrait déjà laisser les petits culs du quartier jouer dans sa cour l'été puisqu'il est financé à 60% par l'État depuis des lustres.

Si Hydro veut aider les jeunes, qu'elle verse directement l'argent à des organismes communautaires du quartier. Pas besoin de passer par Notre-Dame.

Aucune école publique n'a reçu un don d'Hydro. Pourtant, elles en auraient drôlement besoin. En juillet, le ministère de l'Éducation a sorti les nouveaux indices de défavorisation. La clientèle de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) s'est appauvrie. La quasi-totalité de ses écoles primaires et secondaires flirtent avec le dénuement.

M. Vandal devrait quitter son chic bureau d'Hydro quelques heures pour visiter une école secondaire de la CSDM. J'ai des suggestions: Jeanne-Mance, dans le Plateau-Mont-Royal, ou Pierre-Dupuy, dans Centre-Sud. Un petit voyage dans une réalité montréalaise qu'il ne soupçonne peut-être pas, lui qui a fréquenté Brébeuf et Notre-Dame.

Plutôt que de donner de l'argent à deux écoles privées riches pour leur permettre de peaufiner leurs installations sportives, Hydro aurait pu avoir une petite pensée pour les Jeanne-Mance et les Pierre-Dupuy de ce monde.

Pendant que Brébeuf gère une fondation de 10 millions, la Commission scolaire de Montréal, elle, doit se contenter d'un maigre 167 185$. Un déséquilibre qui aurait dû émouvoir M. Vandal. Mais soupçonne-t-il cette réalité?

Pourquoi Hydro a-t-elle décidé de donner de l'argent à des écoles privées? S'est-elle subitement découvert une mission éducative? Si M. Vandal tenait tant à garnir les goussets des collèges qu'il a fréquentés, il n'avait qu'à plonger la main dans sa poche plutôt que de piger dans celle de la société qu'il dirige.

Depuis que la controverse a éclaté, M. Vandal a refusé toutes les demandes d'entrevue, y compris celle de La Presse. Il gère une société publique. Il aurait dû avoir le courage d'affronter les journalistes. Mais non, il préfère se cacher derrière son armée de relationnistes. Il donne de l'argent, mais pas d'entrevues.

Il n'est pas le seul à être chiche dans les commentaires. La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, est restée muette. Pourtant, on parle de ses écoles.

Seule la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a réagi. «Hydro-Québec doit orienter ses priorités envers les services publics, un principe qui prend toute son importance dans le contexte où il s'agit d'une société d'État», a-t-elle dit.

Bref, le public doit donner au public et s'abstenir de favoriser le privé. Que fait Mme Normandeau des 500 millions que le gouvernement donne chaque année aux écoles privées, y compris Notre-Dame et Brébeuf?

Si Hydro ne peut pas donner d'argent au privé, pourquoi le ministère de l'Éducation, lui, peut-il y déverser des centaines de millions chaque année?

Je commence à comprendre le silence de Mme Courchesne.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca